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la force nationale et le sport.

musculaire supérieur, une plus forte capacité thoracique, un fonctionnement de la peau plus actif : il a encore pris l’habitude d’exécuter ou de subir sans effort ou avec un effort très diminué certains mouvemens, certains contacts, certaines pesées qui, pour lui, se reproduiront quotidiennement dans la vie militaire. Courir, sauter, se tenir en selle, porter le sac, épauler un fusil, manier un sabre, ne sont pas des actes qui exigent de grandes dépenses de forces : ils paraissent pourtant en exiger parce que l’inhabileté à les accomplir forme une résistance qu’il faut vaincre. Cette résistance, l’exercice militaire la fait disparaître, mais rapidement et par une pratique énergique et répétée ; l’éducation, elle la neutralise doucement et progressivement : c’est qu’à la caserne, on est pressé ; il faut, en quelques mois, fournir un soldat entraîné, tandis qu’on a des années pour préparer un écolier robuste. Les garçons qui arrivent au régiment déjà familiarisés avec les instrumens du sport et ayant l’habitude des mouvemens commandés, possèdent une double avance ; non seulement ils savent déjà une partie de ce qu’il faudrait apprendre, mais ils apprendront le reste plus facilement ; non seulement ils sont mieux préparés à fournir l’effort, mais, pour eux, l’effort sera moindre. Les instructeurs, d’ailleurs, subissent le contre-coup de ce que valent les recrues ; l’avance des uns profite aux autres ; au régiment, la maladresse physique provoque un retard général. Aussi l’idéal pour l’officier est-il de voir arriver l’engagé et le conscrit déjà débourrés, de façon qu’on puisse, dès le début, entreprendre leur formation professionnelle. Il redoute, au contraire, que, sous prétexte de l’aider dans sa tâche, cette formation n’ait déjà été commencée par d’autres. Il souhaite de trouver devant lui un corps souple, des membres agiles, des articulations obéissantes, et non point la possession anticipée de demi-connaissances qui devront souvent être rectifiées et rendront, en tous cas, l’élève moins attentif et trop confiant en son savoir. De plus, si le jeune soldat ne se déplaît pas trop à la caserne, c’est en grande partie la nouveauté de son existence qui en est cause ; cette nouveauté, on doit prendre garde de l’affaiblir en cherchant à familiariser prématurément les adolescens non pas avec l’exercice en général, mais avec les aspects militaires de l’exercice.

Le sport est donc un excellent agent pour le « débourrage » physique qui doit précéder l’entrée dans l’armée moderne. Qu’en dire au point de vue moral ? J’en ai parlé ici même, il y a un an. Mais il ne s’agit plus, cette fois, de la vertu moralisatrice du sport et de l’influence heureuse qu’il peut exercer sur la jeunesse en lui procurant de saines