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par des usages et des coutumes, qui forment ce qu’on appelle le droit international, et par des traités négociés entre leurs représentans, soumis ou non aux Chambres, mais qu’il n’est pas d’usage en tout cas d’incorporer à la constitution de l’une des deux. Que pouvait donc signifier cette formule, si elle n’exprimait la prétention des États-Unis d’occuper vis-à-vis de Cuba une situation spéciale, privilégiée par rapport à celle des autres puissances, et ce, d’une manière intangible, puisque ce n’était pas une loi ordinaire, mais la Constitution même de l’île qui devait fixer leurs droits particuliers ? En un mot, il était bien évident, que l’on voulait imposer à Cuba une sorte de vasselage, de protectorat. C’était une violation manifeste de l’engagement pris par les États-Unis dans la résolution Teller.

Les Cubains en furent indignés ; dès avant les élections, ils protestèrent énergiquement, et la Constituante, réunie le 5 novembre, adopta, en février 1901, une Constitution où le nom des États-Unis n’était même pas prononcé. On put juger du diapason auquel étaient montés les sentimens des Cubains à l’endroit des Américains, lorsqu’on vit l’un des principaux membres de la Constituante, l’un des candidats désignés à la présidence de la République cubaine, M. Cisneros, refuser de signer la copie de la Constitution qui devait être envoyée à Washington en déclarant que le gouvernement des États-Unis n’avait pas à la connaître. Comme un de ses collègues observait que tous les membres de l’Assemblée étaient de bons Cubains : « Oui, dit-il, et, lorsque le temps viendra de nous battre avec les Américains, nous combattrons tous ensemble. » L’amitié entre les libérateurs et les affranchis n’avait pas duré longtemps. On ne tarda pas, d’ailleurs, à pouvoir juger du désintéressement des premiers.

Le gouvernement de Washington n’accepta pas la Constitution cubaine telle qu’elle lui fut communiquée, et le Congrès en votant le budget de la guerre, y joignit un amendement en vertu duquel l’armée américaine ne devait évacuer Cuba qu’après l’inscription dans la Constitution de l’île des articles additionnels suivans : « 1° Le gouvernement de Cuba ne devra jamais conclure avec une puissance étrangère quelconque de traité qui soit de nature à porter atteinte à l’indépendance de Cuba, ni lui concéder, sous quelque forme et à quelque effet que ce soit, aucune portion du territoire de l’île ; 2° Pour permettre aux États-Unis de protéger l’indépendance de Cuba, le