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restaient places de sûreté. Le Roi entrait dans Montpellier comme s’il eût reçu la ville à composition. Pourtant, une fois encore, il traitait avec ses sujets. Le prince de, Condé s’éleva fortement contre cette transaction. La paix se fit malgré lui et contre lui. Dès qu’il vit les négociations définitivement engagées, par un coup de tête, il quitta la Cour, le 9 octobre, et s’en alla en Italie et à Notre-Dame de Lorette. Il ne pouvait prendre plus mal son temps pour faire ses dévotions.

En effet, dès qu’il fut parti, la cabale adverse monte aux nues. Tout le monde est à la paix ; on ne le traitait plus que comme un boute-feu. La Reine-Mère qui, de Nantes, était allée aux eaux de Pougues, où elle avait passé l’été, revenait vers la Cour, et se rendait auprès du Roi, toute fraîche et ragaillardie. Les articles de la paix furent arrêtés, le 9 octobre. Le 18 octobre le Roi entra dans la ville et il la quitta le 29 octobre. Le rendez-vous général était à Lyon.

Le Roi n’était qu’à demi fier d’un succès qui n’avait pas été complet. Les ministres, furieux contre Condé, ne savaient s’ils devaient se féliciter ou se plaindre de son départ. Dans la période d’incertitude qui avait précédé la conclusion de la paix, ils avaient compris qu’ils n’étaient pas assez forts pour rester entre les deux partis. Brouillés avec le prince, ils devaient nécessairement se rapprocher de la Reine-Mère.

Ils avaient un moyen de tout arranger. La mort du cardinal de Retz laissait vacant un des chapeaux attribués à la couronne de France. Il était bien difficile d’empêcher, cette fois, la promotion de l’évêque de Luçon. Richelieu s’était soigneusement tenu à l’écart pendant toute la maladie de la Reine-Mère. S’étant depuis six mois, replié dans le silence, il paraissait moins dangereux. Durant cette période, on l’avait vu se prêter aux tentatives de rapprochement même avec ses adversaires ; il s’était concilié des amitiés précieuses dans le Conseil, et notamment celle du président Jeannin. Le Père Arnoux, qui avait repris quelque influence, lui écrivait des lettres de plus en plus affectueuses. La Sorbonne l’avait nommé son proviseur, le 9 août, et avait ainsi lié à sa fortune tout un monde bruyant et agité. Quant à la Reine-Mère, elle accablait les ministres de ses objurgations. En cas d’échec nouveau, sa passion se changerait en hostilité déclarée, et les Sillery, brouillés avec Condé, ne pouvaient plus se passer d’elle.