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En effet, une personne de qualité affirme « qu’on verra du nouveau dans quelques semaines. »

Les imaginations travaillent. Bientôt, elles sont fixées. Le soir du jour de l’an, — attention charmante, — le Roi dit, à brûle-pourpoint, au vieux Sillery de lui rendre les sceaux. Celui-ci se récrie. Paroles vives. Pour en finir, le Roi donne l’ordre. Les pauvres gens mettent une nuit à se décider, et Puisieux rapporte les sceaux, le lendemain matin. Il faut laisser, à l’ambassadeur de Venise, la responsabilité d’une anecdote bien singulière : « Des trois sceaux dont on se sert, dit-il, à savoir de la couronne de France, de la Navarre, et du Dauphiné, il se trouvait qu’il manquait celui de France ; le Roi le réclame Puisieux l’avait gardé… On assure que ce manque de mémoire a fortement accru la bourse de Puisieux au moyen de sceaux secrets. C’est un procédé de domestique à l’égard du roi son maître. »

Puisieux essaye de se raccrocher aux branches. Il tient bon sous les camouflets. Il se fait petit. Les Sillery, selon que le visage du Roi s’ouvre ou se ferme, se redressent ou s’effondrent. Puisieux eut un moment d’espoir, sinon pour son père, du moins pour lui-même. Enfin, le 3 février, le Roi envoie son secrétaire. Tronçon, leur dire qu’ils aient se retirer dans leur terre de Champagne : cependant, s’ils le désirent, il les entendra. Ils se voient perdus. Le visage du Roi est terrible à ces âmes tremblantes : ils partent. Personne ne les accompagne ; personne ne les plaint (3-5 février 1624).


IV. LES TROIS MOIS DE LA VIEUVILLE. — RICHELIEU PREMIER MINISTRE

Cette fois, est-ce le tour du cardinal ? Pas encore. Le Roi, pour qui cet homme devenait une obsession, ne cessait de répéter que c’était un fourbe et qu’il n’en voulait pas. Il disait, tout bas, au maréchal de Praslin, en voyant le cardinal passer dans la cour du château : « Voilà un homme qui voudrait bien être de mon Consei1 ; mais je ne puis m’y résoudre, après tout ce qu’il a fait contre moi. » Cependant, d’ores et déjà, on ne prend plus une décision importante sans le consulter, soit directement, soit par l’intermédiaire de la Reine-Mère. Le Roi veut encore se cacher à lui-même qu’il est déjà sous sa domination. L’ambassadeur vénitien très perspicace, explique bien la situation : « Monsieur le cardinal de Richelieu, dit-il, est, ici, le contrepoids de tout