Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 8.djvu/222

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

éléphantiasique, placée entre les jambes, atteint de telles dimensions qu’ils ne peuvent aller et venir qu’en se servant d’une petite brouette pour soutenir leur énorme tumeur. Le docteur Kieffer a opéré, à l’hôpital de Saint-Louis du Sénégal, en 1899, un nègre qui était porteur d’une tumeur de ce genre pesant 42 kilos.

Parvenue au terme de sa croissance, la filaire femelle, qui habite quelque vaisseau lymphatique, pond les embryons vivans qui ont grandi dans son ovaire. Cette ponte se fait par à-coups successifs, avec une régularité singulière. La longueur de ces vermisseaux ne dépasse point 2 à 3 dixièmes de millimètre. Leur sort ultérieur mérite attention. Ils se répandent dans la lymphe, et, de là, tombent avec celle-ci dans le sang, qui est l’aboutissant dernier de la circulation lymphatique. Ils provoquent dans ce liquide nourricier des altérations diverses et engendrent divers troubles morbides, parmi lesquels une espèce de fièvre hématurique. Mais, en fin de compte, ils ne peuvent pas subsister longtemps dans le sang : ils s’y détruisent donc et disparaissent en quelques heures, après avoir ajouté quelques désordres à ceux qu’avait produits la filaire adulte. Le tableau complet des symptômes de la filariose comprend ainsi : les varices lymphatiques, l’éléphantiasis, l’hématurie et la chylurie.

Pendant longtemps, et jusqu’aux travaux de P. Monson, on n’a pas connu autre chose de la filaire. On ne savait point comment elle commençait ; et, d’autre part, on croyait qu’elle périssait comme nous venons de dire, dans le sang de l’homme. Mais cette fin apparente n’est qu’une illusion. Les embryons ne finissent dans les vaisseaux sanguins de l’homme que s’il ne s’offre pas d’autre issue. Mais, précisément, il peut s’en offrir une, à laquelle on n’avait point pensé. Il peut arriver que le malade atteint de filariose soit piqué par un moustique qui absorbera une certaine quantité de sang et, par conséquent d’embryons.

Comment cette idée de l’intervention possible des moustiques s’est-elle présentée à l’esprit de P. Monson ? L’histoire en est intéressante. L’observateur anglais avait été étonné de voir le passage des embryons dans le sang, c’est-à-dire la ponte de la filaire femelle, se faire par à-coups successifs avec une périodicité très régulière. Il n’est pas moins surprenant que cette périodicité soit précisément celle du jour et de la nuit qui se succèdent. Pendant le jour, on ne trouve jamais le parasite dans le sang : il n’apparaît que pendant la période de repos et de sommeil de l’homme, pendant la nuit.

Or les moustiques, dans leurs habitudes, présentent la même périodicité.