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corps, par les jeunes larves. C’est possible : c’est ce que l’on croyait exister pour les moustiques de la filariose : mais l’on a vu que l’expérience a contredit cette supposition. — A défaut de ces mécanismes directs, il faut en imaginer quelque autre indirect, où le milieu extérieur, c’est-à-dire la terre ou les eaux, jouerait le rôle d’intermédiaire et hébergerait l’hématozoaire, entre une génération de moustiques et la suivante. Par là, rentreraient en scène ces influences telluriques ou hydriques, que la médecine de tous les temps a fait intervenir dans la transmission du paludisme.

Ces discussions n’ont pas seulement un caractère académique. Elles entraînent des conséquences importantes pour la pratique. La prophylaxie du paludisme et les espérances qu’elle a fait naître seront profondément modifiées, suivant celle de ces alternatives qui est vraie.

En effet, d’après la doctrine rigoureuse du va-et-vient alternatif de l’hématozoaire entre le moustique et l’homme, on voit que la guérison de l’homme entraîne celle du moustique et vice versa. De telle sorte que la tactique des hygiénistes doit tendre à l’un de ces trois objets : écarter le moustique, le tuer, ou le guérir. Pour empêcher le moustique d’atteindre l’homme, on a recours aux moustiquaires, au grillage des fenêtres et des portes ; c’est ce que l’on a fait dans les régions infestées de l’Italie méridionale. — En second lieu, on peut chercher à détruire le moustique en drainant les entours des habitations, yen supprimant toutes les collections d’eau stagnante ou en y répandant du pétrole. — Enfin, on peut chercher à préserver le moustique en isolant l’homme malade et en empêchant l’insecte de s’infecter à lui. De ces trois moyens, il est permis de juger que c’est, aujourd’hui, le dernier qui semble le plus efficace. Le médecin et naturaliste italien Grassi, qui a récemment entrepris de faire disparaître la malaria de la campagne romaine, et de rendre à Ostie son antique salubrité, semble y avoir réussi précisément en soignant avec un mélange merveilleux de quinine et d’arsenic, l’esanophèle, tous les fiévreux qui fréquentent dans ces plaines au moment de la moisson. Il est évident que, si la doctrine n’est pas exacte, si la transmission se fait par le sol, cette grande espérance de régénérer l’insalubre Italie ne serait qu’un rêve incertain.


A. DASTRE