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et on ne lui a pas répondu. Sans les attendre plus longtemps, le Sénat, qui s’était déjà distingué par l’initiative qu’il avait prise contre la liberté de l’enseignement, a jugé à propos d’en prendre une nouvelle. Il a mis la réforme militaire à son ordre du jour très prochain. Aussitôt la Chambre, comme prise de peur d’être distancée, a voté une motion pour la réduction du service à deux ans. Elle a dit, il est vrai, qu’il conviendrait de faire au préalable une loi sur les rengagemens. Le lendemain elle a voté, malgré le ministre et par voie budgétaire, la suppression des 13 jours et la diminution de durée des 28 jours de période d’instruction pour les réserves. Comment ne pas frémir en songeant à la portée de ces votes et à la légèreté avec laquelle ils sont émis ? Certes, la Chambre est bien coupable dans l’œuvre de démolition qu’elle accomplit, mais le gouvernement est criminel, tantôt par la complaisance avec laquelle il s’y prête, tantôt par la mollesse avec laquelle il s’y oppose. Il manque au plus élementaire de ses devoirs, qui est de grouper autour de lui les députés faibles, hésitans, de les encourager à la résistance, de les soutenir, enfin de répondre d’eux devant le pays en mettant en relief l’intérêt qui s’attache à ces questions militaires, intérêt devant lequel tous les autres pâlissent et auquel tous les autres doivent être subordonnés. Mais, encore une fois, le ministère obéit à la fatalité de sa situation. Lorsque M. le président du Conseil a essayé, bien timidement, de rappeler à la Chambre que le Sénat était saisi de la question de la durée du service, et qu’il serait convenable de la laisser entre ses mains, il a été battu à une très forte majorité. Il se l’est tenu pour dit, et s’est résigné à laisser faire. De plus en plus les destinées s’accomplissent, et ce qui faisait la force de la vieille France, de celle que l’histoire a connue et que ses voisins ont respectée, s’en va et s’effrite de jour en jour davantage. Quelque triste que soit ce spectacle, c’est un devoir de le regarder en face, et de faire un énergique effort pour retenir les pouvoirs publics sur la pente où ils roulent, entraînant le pays avec eux. Mais cet effort, il faut le faire aujourd’hui dans le pays lui-même. Quant à la Chambre, elle est déjà morte, et mortes avec elle sont ses motions. Si elles étaient jamais réalisées, il n’y aurait pas dans l’histoire de responsabilité plus écrasante que celle dont le poids retomberait sur leurs auteurs.


Notre dernière chronique était écrite lorsque s’est produit un événement dont il est encore difficile de mesurer toute l’importance, mais qui certainement en a une considérable : nous voulons parler du traité