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maintenant. — Hélas, répond la pauvre victime, je ne sais pas seulement ce qu’on appelle mettre quelque chose !

On a énormément discuté sur l’âge et sur la condition sociale de Dorine du Tartufe. Est-ce une fille du peuple, ancienne nourrice d’un enfant d’Orgon ? Est-ce une demoiselle de compagnie, suivant l’expression moderne ? Quoi qu’il en soit, elle n’appartient pas au même milieu que les personnages énumérés ci-dessus et néanmoins n’a pas abdiqué toute prétention à plaire. Aussi soignée qu’Elmire, elle met du rouge et des mouches malgré les admonestations de Laurent, valet de Tartufe. Ces mêmes accessoires se rangent, parmi les emblèmes de la déesse Vénus, s’il faut en croire les couplets chantés par les trois magiciens dans la Pastorale comique, lorsque ces derniers invoquent « la déesse des appas. »

De notre grand auteur comique nous passerons à son plus cruel ennemi, Montfleury. Il nous apprend ce que La Fontaine nous dit de son côté, que toutes les fois qu’une femme disposait des mouches sur sa figure, c’est qu’elle allait en conquête. Il nous montre une suivante qui, pour débarrasser sa maîtresse d’un amant ridicule et importun, se substitue à elle en s’ajustant de son mieux :


Et mes mouches ? J’allais les oublier, je jure,
Sans les mouches, je dis nargue de la parure,
C’est la clef du bel air, et sans mouches jamais
La plus rare beauté n’offre d’attraits complets.


Dans un autre passage, Montfleury est plus explicite encore. Il énumère tout ce qu’une femme à la mode, — parfaitement honnête d’ailleurs, — doit employer pour s’embellir. La liste est longue :


Poudres, pâtes, tours blonds, gommes, mouches, pincettes,
Racines, opiats, essences et parfum
De J’eau d’ange, du lait virginal, de l’alun,
— Et mille ingrédiens à peu près de la sorte
Que le diable a sans doute inventés…


ajoute un mari grincheux. Sa femme plaide la cause de son sexe, déclare que la nature a besoin du secours de l’art, qui change les brunes en blondes, blanchit un teint basané, noircit les cheveux gris, couvre les dents d’émail, rougit les lèvres trop pâles (on