Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 8.djvu/52

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en ces termes : « Il résulte de ce rapide exposé que notre situation coloniale s’est beaucoup améliorée. Il est établi que notre commerce et notre industrie commencent à tirer un profit, léger encore, mais qui va toujours croissant, de notre immense empire colonial. » On le voit, l’impulsion était donnée, le progrès s’est accéléré normalement depuis lors, et, l’année dernière, dans leurs rapports qu’anime un esprit critique amplement justifié par les vices inévitables d’une administration improvisée, qui s’organise à tâtons, MM. Pauliat et Le Myre de Vilers ont enregistré les résultats que l’on avait lieu d’espérer[1].

La tendance signalée par M. Doumergue a été consacrée depuis le dépôt de son rapport et généralisée par une excellente mesure budgétaire qui met, en principe, à la charge des colonies toutes les dépenses civiles et de gendarmerie[2], quitte à venir en aide par des subventions à celles de ces colonies qui ne sont pas encore en état de se suffire et surtout à celles qui ne peuvent plus le faire, car c’est principalement sous la forme de secours aux territoires indigens que s’exercera cette pieuse assistance.

L’activité avec laquelle on procède de toutes parts à la mise en valeur agricole des terres nouvelles décuplera d’ici quelques années, les profits déterminés par des échanges commerciaux dont les chiffres s’élèvent dans des proportions qu’on ne pouvait pas raisonnablement escompter à si brève échéance : comment espérer qu’avant d’être doté de l’outillage le plus élémentaire en chemins de fer, en ports de mer et en réseaux d’irrigation, notre domaine tropical développerait son trafic avec la métropole dans la mesure qu’indiquent les Annales du commerce extérieur ?

  1. Depuis qu’a été écrit cet article, dont la publication s’est trouvée retardée par un voyage de son auteur à Madagascar, la question qu’on y étudie a fait l’objet de plusieurs travaux parlementaires importans. La commission des Douanes a examiné les projets de loi auxquels il y est fait allusion, et des rapports qui, émanent l’un de M. Noël, l’autre de M. Boucher, ont été déposés, ainsi que ceux de MM. Bienvenu-Martin et Pauliat sur le budget des Colonies.
  2. Des colonies, qui sont vieilles au plus de dix ou quinze années, peuvent se passer, ou peu s’en faut, de toute subvention de la métropole ; elles font face à leurs dépenses, elles peuvent même faire les frais de leur outillage. Les recettes du Sénégal ont passé de 3 700 000 francs en 1897, à 4 600 000 en 1901 ; celles de la Guinée, de 368 000 francs en 1890, à 576 000 en 1895 et à 2 974 000 en 1901 ; celles de la Côte d’Ivoire, de 1 300 000 en 1893, à 1 780 000 en 1895 et à 1 900 000 en 1901 ; celles de l’Indo-Chine, de 46 millions de francs en 1891, à 85 millions en 1901 ; et, pour juger de tout le progrès que cette colonie a réalisé, il faut prendre garde que la piastre, instrument monétaire de l’Indo-Chine, valait 4 fr. 04 en 1891 et ne vaut plus, en 1901, que 2 fr. 40. » (Chailley-Bert, Dix années de politique coloniale. — Débats du 11 septembre 1901.)