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II

Toute la guerre de Hollande, du début à la fin, offre ce caractère spécial que l’action militaire et la diplomatie y marchent constamment de front. Pendant les sept années qu’elle dure, et presque sans interruption, on négocie en même temps qu’on se bat, tantôt à ciel ouvert comme lors du congrès de Cologne, tantôt dans la coulisse et par des agens clandestins. Dès les premières semaines, sur les conseils de Pierre de Groot, les États Généraux avaient ouvert des conférences, fait des avances à leurs envahisseurs. Le rejet de ces conditions et l’attitude hautaine du Roi n’ont pas découragé les partisans obstinés de la paix ; des pourparlers, officieux cette fois et remplis de mystère, s’établissent bientôt à Utrecht entre les personnages qui représentent les deux pays. On ne s’étonnera pas de voir le duc de Luxembourg diriger en personne ces négociations. Au XVIIe siècle, — même encore au siècle suivant, — la division des rôles n’est pas tranchée connue de nos jours ; certains emplois, distincts en apparence, ne sont très souvent séparés que par des frontières imprécises. On passe sans transition d’un congrès dans un camp, de l’épée à la plume. Tout général d’armée doit être, à l’occasion, doublé d’un diplomate ; de même qu’en un besoin pressant un ambassadeur de carrière n’hésite pas à lever une troupe, pour achever par la force l’œuvre où la persuasion s’est montrée impuissante.

Luxembourg, à peine installé, constate et signale en Hollande deux partis, deux « factions » de tendance opposée : d’une part, « les honnêtes gens, » c’est-à-dire les gens modérés, amis de la conciliation et du repos public ; et, d’autre part, ce qu’il nomme « la canaille, » qui tient pour la lutte à outrance tant qu’un seul étranger foulera le sol natal. Dans le premier parti, on compte les magistrats, les « bons bourgeois, » les commerçans, tous ceux qui ont pignon sur rue et possèdent du bien au soleil. Ceux-là sont, dit-il[1], « fort fâchés que le traité de paix que Grotius négociait n’ait point eu lieu. Ils sont tous d’accord que le véritable intérêt de la Hollande serait d’avoir la paix avec la France,

  1. Luxembourg à Louvois, 5 août 1672. — Archives de Dijon. F. Thiard. Registre 22.