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la mort de sa fiancée Elisa, à la veille de ses noces. Comme le poète désolé n’avait alors ((lie seize ans, on peut croire que le sujet était imaginaire ; l’inspiration ne lui en était venue sans doute que de quelque déception d’amour, et elle n’était point bonne : tous ces essais sont vides, ampoulés, lamentables. Le pessimisme du jeune homme s’exprime mieux dans des sonnets de 1810. Ce n’est plus seulement l’amour et la mélancolie qui le tourmentent, c’est, la faim ; et il le dit avec une sorte de précision dans le désespoir qui relève la platitude de ses vers. La mode était alors aux académies, associations de poètes, qui se réunissaient à jour fixe pour s’écouter et se louer les uns les autres, ou infliger solennellement la lecture de leurs vers à un public d’amis, le tout pour la plus grande gloire de l’art. Belli fit ses premières armes dans l’Académie des Hellènes, où il portait le nom de Tyrtée le Lacédémonien. Puis sur les ruines de cette société, il en fonda une autre, en 1813, la Tiberina. Il produisit là des odes anacréontiques, des pastorales, des visions bibliques : Le Déluge universel, Le Festin de Balthazar, etc. La Peste de Florence en 1348 (La Pestilenza stata in Firenze l’anno di nostra salute MCCCXLVII), écrite en 1812 et 1813, fut sa première œuvre imprimée ; elle eut du succès et ne vaut pas grand’chose. Il tente la poésie légère et la satire avec la même impuissance. Il semble que nulle part son âme ne trouve d’issue : nulle part sa sincérité ne se fait jour ; aucun mot sorti du cœur, aucune image tirée de la réalité, aucune impression vivement rendue, ne révèle l’existence difficile de ce bohème bourgeois. Il ne peut se dépêtrer du vaste et banal manteau dont s’enveloppent tous les poètes du temps. Il rêve sur des thèmes convenus ; il pleure les larmes à la mode. Et même, dans cette conformité sans relief au goût du jour, il ne montre ni ingéniosité, ni souplesse ; il ne fait preuve d’aucune habileté dans l’artifice. Son style est traînant, souvent ridicule, enflé, prosaïque ; la phrase est dure ; les vers sont pénibles. Somme toute, en dépit de sa bonne volonté et de ses efforts, Belli ne paraît pas mieux doué pour être poète que pour être heureux.

Mais la vie, d’abord, se lasse de lui être inclémente. A la Tiberina, en mai 1814, il fit des vers pour fêter le retour de Pie VII ; il s’y déchaîne furieusement contre les impies, et manifeste avec ardeur son attachement à la religion et au Pape. Les vers font quelque bruit ; le nom du jeune homme se répand et