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comme si le souci de l’intérêt public eût été une usurpation sur le droit du prince. Le zèle ne brûlait plus qu’en encens. M. de Boisgelin voulut se concerter avec les principaux du parti : « MM. Edouard de Fitz-James et Mathieu de Montmorency désiraient comme lui revoir les Bourbons en France, mais avaient moins combiné les moyens de les maintenir. » La plupart des gentilshommes réduisaient leur rôle à ramener le Roi. Comme le Roi était oublié de la France, comme ils n’avaient, sous un gouvernement de haute police, aucun moyen de gagner l’opinion, comme enfin le consentement du peuple n’eût rien ajouté au droit du souverain, ils comptaient sur eux seuls pour rétablir leur maître. Toute leur politique était d’épier l’occasion, et tout leur espoir était de dissimuler, à la faveur d’une surprise, leur petit nombre par leur énergie. Ils s’étaient, pour cette action, organisés çà et là par petits groupes, et vérifiaient de temps à autre les amorces de leurs pistolets. Leurs relations de parenté et d’amitié facilitaient leur recrutement et leurs mots d’ordre, l’honneur les protégeait contre les trahisons, une discipline acceptée pour le combat satisfaisait leur goût traditionnel des armes, le complot amusait d’un mystère héroïque l’oisiveté de leur vie, et sans les beaucoup exposer, puisque leur devoir était d’attendre le signal de princes prudens. La certitude qu’une armée de volontaires fût prête à se lever sur un signe faisait goûter aux prétendans jusque dans l’exil la joie du pouvoir, et l’hommage d’une confiance qui s’en remettait de tout à eux les rassurait pour l’avenir. Les princes préfèrent les sujets qui obéissent à ceux qui pensent.

M. de Boisgelin, après s’être enquis de cette organisation, « des forces qu’on en pourrait tirer, après avoir reconnu qu’il n’existait ni plan, ni chef, » vit clairement combien peu la royauté avait à espérer des royalistes. Aucune voie de retour ne s’ouvrirait pour les Bourbons, ni pour la liberté légale, avant le jour où une partie des serviteurs jusque-là fidèles à l’Empire apporteraient à la cause royale leur expérience du sentiment national et leur lassitude du despotisme. M. de Boisgelin prévit ce concours, discerna l’homme de qui il fallait d’abord l’obtenir, et, dès 1811, mit son espoir dans la défection du prince de Bénévent. Deviner dans le grand dignitaire de l’Empire le restaurateur de la royauté, consentir que l’évêque marié bénît les secondes noces de la monarchie très chrétienne et déjà France,