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affluent au « fonds parlementaire, » par exemple ; mais elle sait qu’on ne fait jamais mieux que ce qu’on sait faire avec de faibles moyens, et elle se sauve du manque d’argent par l’initiative et l’enthousiasme. Dès le principe, elle a eu le bon sens de déclarer, par l’organe de ses chefs, vouloir et devoir se tenir à l’écart de toute politique, — telle est en effet restée sa ligne de conduite, si bien qu’on trouve chez elle des représentans de tous les partis, depuis les plus fervens Orangistes jusqu’aux Séparatistes les plus farouches, — et aussi en dehors de toute question religieuse, ce qui fait que, la majorité de ses membres étant catholique comme son vice-président, l’abbé O’Hickey, professeur d’irlandais au séminaire de Maynooth, elle a cependant un président protestant dans la personne de M. Douglas Hyde.

Un symptôme d’avenir, en cette terre d’Irlande où l’on sait que tout mouvement qui a le soutien des prêtres est assuré du succès, c’est que, de jour en jour, la grande force morale du pays, le clergé catholique, se convertit aux tendances nouvelles. Sans doute il y a encore bien des résistances, surtout chez les prêtres d’un certain âge qui, élevés dans des idées très différentes et un peu réactionnaires aux temps du cardinal Cullen, manquent aujourd’hui de la souplesse nécessaire pour se plier aisément à un nouvel état de choses. En revanche, le cardinal Logue et l’éminent archevêque de Dublin, Mgr Walsh, comptent, avec la plupart des évêques, parmi les plus fermes soutiens de la cause défendue par la Ligue ; des lettres pastorales s’impriment maintenant dans les deux langues ; tel prêtre, dans un village de l’Ouest, se met à apprendre l’irlandais et, en trois ans, se trouve en mesure de prêcher en cette langue ; enfin le jeune clergé, si actif et si intelligent, qui sort de Maynooth, montre de plus en plus d’enthousiasme en faveur de la renaissance gaélique.

Il y a encore d’autres signes encourageans pour l’avenir du mouvement, et qu’aperçoit du premier coup d’œil le simple touriste voyageant en Irlande. C’est le grand nombre de gens qui parlent irlandais dans les rues, même dans une ville, comme Dublin, si anglicisée naguère, et aujourd’hui si avant dans le mouvement. Ce sont les enseignes, annonces, affiches en irlandais ; les noms des rues marqués en cette même langue, par ordre des autorités locales, qui de plus, dans bien des villes, exigent de leurs employés la connaissance de l’irlandais ; les prospectus irlandais émis par certaines administrations publiques