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quelque chose à dire aux siècles nouveaux par la voix de son héritière légitime ? Le jour où cette voix se ferait entendre, messagère d’idéal, de tendresse, de beauté, nulle part elle ne résonnerait plus doucement qu’au cœur de la France, et la France saurait se souvenir alors du sang celtique qui l’anime.


VI

L’avenir seul dira donc si le mouvement de la renaissance gaélique doit s’affirmer définitivement dans la littérature, comme il l’a déjà fait dans le langage national et dans l’enseignement. Et, cela fait, sera-ce tout ? Restera-t-il toujours enfermé dans le domaine intellectuel ? Non certes. Il a commencé par le « spirituel, » mais fatalement il doit réagir sur le « temporel, » car celui-ci est en grande partie « fonction » de celui-là, car l’état économique et social d’un peuple dépend pour beaucoup de son état moral. C’est ce qu’ont fort bien montré les promoteurs du mouvement, — M. Hyde en particulier (c’est toujours à lui qu’il faut en revenir en cette matière), — en démontrant la haute valeur non seulement morale, mais économique et sociale, du principe de nationalité, entendu connue il le faut et en dehors de toute politique. Ce dont nous avons besoin, ont-ils dit, ce ne sont pas tant des lois nouvelles qu’une réforme intérieure qui régénère à fond l’individu, cet individu si apte à faire son chemin hors d’Irlande et qui, dans la mère patrie, semble dépourvu d’énergie, de désir du progrès, ne sait que réclamer en tout l’aide de l’Etat, comme si son pessimisme désespérait d’avance de voir jamais réussir quoi que ce soit en Irlande. Restituons-lui sa langue et ses traditions, rattachons-le à l’idée nationale, à l’idée du devoir national : celle-ci ranimera chez lui le sentiment de la dignité, de la fierté patriotique, stimulera en lui l’initiative, la confiance, l’ambition de travailler au progrès de l’Irlande, en un mot les conditions premières de toute prospérité publique. Voilà ce qu’on peut attendre, au point de vue matériel et pratique, du mouvement de la renaissance nationale.

Et voilà aussi ce dont on commence à percevoir en Irlande les premiers symptômes, d’abord dans la vie sociale, les mœurs et coutumes de la classe moyenne et populaire, où commence un intéressant travail de « désanglicisation. » Shoneens et Westbritons n’ont plus aujourd’hui leur quiétude d’antan, ils ne se