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départ de sa sœur, comme quoi l’on traite un officier général qui déserte ; car, selon la punition, je consulterai si je m’exposerai à commettre ce crime. » Le 7 juin, elle partit d’Utrecht et se rendit à Tongres, où venait d’arriver la Cour. L’accueil qu’elle y reçut acheva de la rasséréner. Louis XIV, en effet, la « combla » d’honneurs, d’attentions, de prévenances ; la « civilité » de Louvois y fit également des « merveilles ; » c’est elle qui l’apprend à Condé : « Le Roi, ajoutait-elle[1], m’a fort demandé des nouvelles de votre santé ; je lui ai dit que je vous avais trouvé fort abattu le premier jour, mais que, lorsque je suis partie, vous ne songiez qu’à voir cesser les pluies pour profiter de l’effet de vos coupures. Sur cela, le Roi s’est mis sur vos louanges, et j’y ai assurément répondu comme j’aurais fait du temps passé… » Ces derniers mots n’ont rien que de sincère. L’incontestable résultat de la visite d’Isabelle à Utrecht fut de resserrer étroitement le lien qui unissait ces amans vieillissans, de dissiper le nuage léger qui, depuis quelque temps, avait paru planer sur leur tendre commerce. Un an plus tard, écrivant à Condé[2], la duchesse se plaisait encore à évoquer ce cher souvenir : « Je finis en vous protestant que votre grand mérite me fait oublier ce brin d’ingratitude, dont je vous ai donné l’amnistie à Utrecht, pour recommencer comme de plus belle à vous honorer et à être à vous de tout mon cœur. »


PIERRE DE SEGUR.

  1. Lettre du 11 juin 1673. — Archives de Chantilly.
  2. La duchesse de Mecklembourg à Condé, 9 octobre 1674. — Archives de Chantilly.