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employés. Bien peu de maîtres de maison se font coiffer et encore moins raser par leurs domestiques. Enfin le chiffre total des « artistes capillaires » s’est à peine accru tandis que la population de la capitale a quadruplé. Qu’on juge, par la comparaison des chiffres, de l’extrême importance de cette profession avant la dévolution. Les coiffeurs ajustaient aussi les femmes, mais depuis les dernières années de Louis XV seulement. Auparavant, dit Mme de Genlis, jamais les dames n’eussent accepté d’être poudrées et frisées par la main d’un homme et elles n’avaient recours qu’à des coiffeuses.

Inutile de dire que pendant les famines qui signalèrent les dernières années du XVIIIe siècle, plus d’une fois la poudre fut anathématisée en France par les Jacobins à cause du gaspillage d’amidon qu’elle occasionnait.


II

Nous avons fortement abrégé l’histoire de la poudre parce que, auxiliaire de coiffure, plutôt que véritable artifice de toilette destiné à tromper le public, la poudre ne produit pas toujours d’illusion de teinte et ne modifie que passagèrement la vraie nuance de la chevelure. Tout autre est le but des teintures pour cheveux : encore mieux que les dents fausses qui, après tout, ne comblent que des vides éventuels, elles métamorphosent d’une manière permanente l’aspect de la personne qui en fait usage. Elles peuvent se diviser en deux séries ; les unes agissent pour transformer et les autres pour rajeunir, mais souvent le même réactif joue les deux rôles à la fois.

Mentionnons d’abord le henné. Nous savons qu’en broyant les feuilles de ce végétal et les faisant macérer dans l’eau, celle-ci se charge d’une substance colorante orangée (la phloroglucine des chimistes modernes) dont les Orientaux font grand usage. Cette substance colore en rouge carotte les cheveux même les plus foncés, une fois qu’on les a bien savonnés ; et si après les avoir teints de cette façon et nettoyés à l’eau tiède, on les traite avec de l’indigo en pâte, il se développe une nuance d’un noir un peu verdâtre que la rapide oxydation de l’indigo transforme en noir de jais à reflets bleus (la nuance des cheveux des Andalouses suivant Théophile Gautier).