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promoteur du diocèse cite devant l’Official notre chanoine et le met en demeure d’opter entre son bénéfice et son ornement illicite. Ne voulant ni se décoiffer, ni se démettre, le jeune homme tient bon et entame devant les tribunaux compétens une lutte héroïque, au terme de laquelle il succombe cependant. Redoutant sans doute les plaisanteries des malins Tourangeaux, il prend le parti d’aller dans un autre diocèse cacher en paix ses cheveux rouges.

Ce fut peut-être à Reims qu’il se rendit. En effet, à peu près à la même époque, l’archevêque de cette ville intervient dans un procès de ce genre, réconcilie les adversaires et formule une transaction qui fait pousser des cris de désespoir aux rigoristes. Il s’agissait d’un chanoine de Soissons, Rousseau de nom, s’il ne l’était de couleur, qui voulait célébrer en perruque la messe capitulaire (1679) et qu’avait approuvé le Parlement de Paris, prononçant en sens contraire des premiers juges ecclésiastiques.

Il faudrait invoquer la muse de Boileau ; il faudrait refaire un poème parallèle à celui du Lutrin, et peut-être plus long, pour chanter la lutte que Raoul Foy, chanoine de Soissons, soutient contre ses collègues du chapitre, excités par le doyen Le Fèvre d’Ormesson, lesquels, le 25 novembre 1685, commettent un bedeau et un marguillier pour interdire l’entrée du chœur à Foy parce qu’il porte une perruque « simple et modeste, » à ce qu’il prétend du moins. Double procès au Châtelet de Paris et à l’officialité de Reims. Thiers ignore le dénouement de l’affaire dans laquelle l’archevêque de Reims joua peut-être, vis-à-vis des chanoines en querelle, le même rôle pacificateur que Lamoignon auprès du clergé de la Sainte-Chapelle.

A Albi, à Bourges, l’autorité se montre absolument intransigeante ; elle menace les ecclésiastiques rebelles de les suspendre ipso facto. A Agen, règlement transactionnel qui ne satisfait personne : on tolère bien le port des cheveux artificiels ; mais les prêtres, diacres et sous-diacres doivent les quitter à la sacristie avant de monter à l’autel, et ils prétendent que les perruques ainsi déposées sont abîmées par des mains indiscrètes ou même dérobées, et il en coûte cher de les renouveler. Fait curieux, le gros du parti des « perruquets » se composait de deux troupes bien distinctes : d’abord les jeunes et élégans, puis les vieux ecclésiastiques chauves et disposés aux rhumes ; les uns pressés de se