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« clownesse » dans l’emploi que nous appellerions dans l’argot moderne les « Augustes » et qu’elle avait diverti non moins par ses plaisanteries que par les grimaces de sa figure non masquée les portefaix et les matelots de Constantinople (Procope).


V

Tout à l’heure nous avons formulé cette pensée que, dans la Rome ancienne la variété des spectacles, d’origine locale ou exotique, offerts au peuple, devait occasionner une dissemblance dans la nature des artifices de la scène. Lorsque, à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle, le théâtre profane succéda aux mystères, avec des pièces souvent importées d’Italie et des acteurs nés ou formés dans la Péninsule, il en fut à peu près de même, et les comédiens adoptèrent trois moyens de se grimer.

À cette époque le masque se portait souvent dans la vie ordinaire ; qu’y a-t-il d’étonnant de le voir adopter pour le théâtre, après transformation, et fournir une longue carrière ? Le masque caractérisa, de la fin du XVIe au milieu du XVIIIe siècle, certains rôles chargés, à types traditionnels de matamores, capitans, vieillards grotesques ; peut-être Molière le portait-il lorsqu’il créa les emplois de Mascarille, notamment dans les Précieuses. Le masque a longtemps coiffé les danseurs dans les ballets mythologiques de l’Opéra, usage qui ne cessa que dans les dernières années de Louis XV pour les premiers sujets. Il a permis, à une époque où les actrices étaient rares et les danseuses de profession inconnues ou non disponibles, d’introduire sur la scène plus d’un homme travesti, soit dans l’ancienne comédie (rôles de nourrices du temps de Hardy et de la jeunesse de Corneille), soit dans les ballets qu’on dansait non seulement au théâtre, mais dans les fêtes de la Cour et jusque dans les collèges. Grâce à lui, plus d’un original amateur de chorégraphie parut incognito sur la scène de l’Opéra pour développer en public son agilité. Le masque a disparu, pour toujours probablement, mais on peut considérer comme le rappelant le faux nez en cire que se modèlent les acteurs tant soit peu camards lorsqu’ils jouent certains rôles comme celui de Cyrano.

Les spectateurs de l’ancien théâtre français toléraient le masque plutôt qu’ils ne l’appréciaient. Aussi les premiers acteurs