Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 8.djvu/917

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comiques avaient imaginé une solution mixte qui combinait la laideur obligatoire avec une suffisante mobilité de physionomie ; ils « s’enfarinaient » suivant l’expression même de Scarron, dans le Roman Comique, c’est-à-dire se couvraient la face d’une couche épaisse d’amidon, comme les Pierrots actuels se blanchissent la figure. L’enfarinement signalait les personnages ridicules des farces les moins relevées. Il est plus que probable que Molière, courant la province avec sa troupe comique, a rempli le principal rôle dans une de ses premières ébauches intitulée la Jalousie du Barbouillé, canevas informe dont il a retiré plus tard George Dandin. Le titre est caractéristique et donne à penser que l’acteur qui tenait l’emploi se faisait une tête analogue à celle de nos clowns modernes.

Néanmoins, à l’époque qui nous occupe, beaucoup de rôles d’homme : rois, héros, amoureux et tous les rôles remplis par des femmes se jouaient à visage découvert. Notez qu’il n’y avait point de rampe et que souvent les spectateurs envahissaient la scène. Les comédiens se faisaient-ils leur visage ? Sans doute, mais à ce que nous croyons, cette coutume ne reposait point sur les mêmes motifs d’optique qu’aujourd’hui. Les femmes de ce temps, et surtout celles du monde dans lequel se recrutaient les comédiennes, n’avaient pas besoin de monter sur les planches pour se farder ; les petits-maîtres comiques imitaient en les exagérant à peine les raffinemens de toilette de leurs originaux à la ville ; enfin les traits des comédiens déjà vieillis avaient besoin d’être améliorés.

Après l’année 1700, les acteurs de tout emploi commencent à abuser du rouge sur la scène, en même temps que les dames à la ville se mettent à s’en appliquer avec excès ; les deux modes marchent parallèlement. Venant de Londres où cette double exagération ne se pratiquait pas, Addison est tout surpris et compare ironiquement la fraîcheur suspecte des reines de théâtres, à Paris, aux couleurs véritables des jeunes laitières de son pays. Plus tard les habitudes se modifient, les salles s’agrandissent, l’acteur s’éloigne de plus en plus du spectateur et le reflet rougeâtre de l’huile des quinquets s’accommode d’une forte dose de blanc. C’est contre l’emploi exagéré de ce blanc dont se plâtrent les comédiennes que prêche M"6 Clairon ; elle trouve que la couche, trop épaisse, nuit considérablement aux jeux de physionomie dans les scènes tragiques. Il faut se contenter,