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pommettes s’accuse comme ton tout en se rétrécissant. Une application de gris bleuâtre simule les dépressions qui se creusent aux tempes, au bas des joues et sous les paupières inférieures ; les rides s’indiquent par des traits bruns et ressortent grâce à des traits clairs parallèles. Comme le premier effet du fard gras est de dissimuler les rides véritables, l’artiste ne jouit même pas de la ressource d’exagérer ses plis naturels pour se vieillir.

On fabrique aujourd’hui des perruques de chauve qui, si elles sont bien ajustées sur la tête du comédien, se raccordent parfaitement avec la peau graissée de son front, sans transition visible. Bruns, gris ou blancs, suivant le cas, les cheveux postiches sont cousus intérieurement et, comme dans la nature, se groupent par touffes. Avec du « crêpé » ou de la laine douce bien cardée, l’imitation de la barbe naturelle laisse fort peu à désirer, surtout si l’acteur prend soin de tirailler et d’éplucher au doigt le crêpé ou la laine. Suivant la nature du rôle, qu’on teigne, qu’on agrandisse, qu’on prolonge plus ou moins les sourcils, mais sans jamais en coller de postiches au bas du front.

Nous avons, dans la première partie de ce travail, fait allusion aux inconvéniens anti-hygiéniques des fards appliqués trop habituellement sur la peau. Alors quelle doit être la nocuité d’un épais maquillage, renouvelé quotidiennement, sur un épiderme que surchauffent les jeux de scènes et les feux de la rampe ? On le devine a priori et pourtant aucun ouvrage technique ne mentionne d’accidens spéciaux aux comédiens des deux sexes jusqu’à l’introduction du gaz dans les théâtres qui obligea de forcer la peinture des visages.

Suivant l’hygiéniste Chevallier, Mme V…, célèbre actrice de la Comédie-Française (sans doute Mme Volnys née Léontine Fay) aurait souffert pendant quelque temps d’une véritable intoxication saturnine qui fut combattue, avec succès d’ailleurs, parades remèdes (nombreux et énergiques tant généraux que locaux. À cette époque en effet (vers 1840 ou 1850), les artistes se servaient du blanc de plomb liquide qui communiquait à la peau un admirable éclat juvénile, mais qui déterminait à la longue, chez certains tempéramens particulièrement sensibles à l’action du plomb, des accidens très graves. Barbouillant de ce poison, non seulement leur visage, mais leurs bras, leur cou, leurs épaules, les dames s’exposaient encore plus que les hommes.