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pression pure et simple. Ces perspectives sont de nature à effrayer les bons citoyens qui veulent une France forte et respectée au dehors, une République tolérante et conciliante au dedans, un gouvernement à la recherche de ce qui unit et non pas de ce qui divise, enfin une politique de réparation et d’apaisement. L’armée antiministérielle est donc très nombreuse, et la lutte est engagée partout avec une ardeur qui ne laisse de place, ni à l’indifférence, ni au découragement.

Nous parlons des ministériels et des antiministériels, comme si ces épithètes définissaient suffisamment les adversaires en présence. Des polémiques ont eu lieu dans les journaux pour savoir s’il en était ainsi en effet : les uns l’ont affirmé et les autres nié. Il faut s’entendre sur ce point, et, pour cela, faire une distinction. Si l’épithète d’antiministériel ne suffit pas pour caractériser une politique, il n’en est pas de même de celle de ministériel, qui est devenue très précise. Ce n’est pas vainement, ce n’est pas impunément que le ministère actuel a gouverné pendant près de trois années. À quoi bon lui demander son programme ? Nous l’avons, et nous avons même quelque chose de mieux, à savoir ses actes. Il faudrait fermer les yeux à l’évidence pour ne pas savoir ce que c’est que le ministère Waldeck-Rousseau, et par conséquent ce que c’est qu’être ministériel. Oui, certes, le programme du ministère est connu, et c’est en somme, dans toutes ses tendances, le programme jacobin. Ce sont encore plus, dans la pratique de chaque jour, les méthodes et les procédés jacobins. A cet égard, nous sommes fixés. Mais le mot d’antiministériel n’est pas aussi clair, parce que, s’il dit bien ce que ne veulent pas ceux qui l’adoptent, il ne dit pas ce qu’ils veulent. Il n’y a peut-être qu’une manière d’être ministériel ; il y en a, au contraire, plusieurs d’être antiministériel, et, par exemple, des différences très sensibles distinguent un antiministériel comme M. Cavaignac d’un autre comme M. Ribot ou M. Poincaré. D’accord sur un point, ils ne le sont pas sur les autres. Ils conviennent également que le Cabinet actuel a fait beaucoup de mal et que la première chose à faire est de le renverser ; mais ils ne le sont pas sur ce qu’il faut mettre à sa place, ni sur la manière de gouverner lorsqu’il aura enfin disparu. M. Méline, dans un discours qu’il a prononcé récemment à Remiremont, a ouvert un avis plein de bon sens, mais qui risque fort de n’être pas suivi. Il voudrait qu’on fît le moins de politique possible dans la législature prochaine, et qu’on ne s’y occupât que de questions d’affaires. Il demande une trêve des partis. Nous nous en accommoderions volontiers ; nous n’y comptons nullement. Il y a trop de gens intéressés à maintenir le pays dans les eaux