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elle n’a pas celles-là. C’est une très vieille connaissance à nous que la concentration républicaine ! Comme instrument de gouvernement, elle a toujours été la faiblesse même, subissant un jour telle influence et le lendemain telle autre, suivant que celle-ci ou celle-là était la plus puissante, ou seulement la plus audacieuse, et nous n’avons pas besoin de dire de quel côté il y a eu d’ordinaire le plus d’audace. Elle est en grande partie responsable de tous les désordres dont nous souffrons. Elle a affaibli le pouvoir exécutif dans son principe. Elle a donné à croire que la République ne pouvait pas avoir un gouvernement véritable, et que ce qu’on appelait ainsi n’était qu’une réunion d’hommes qui se partageaient le pouvoir comme toute autre chose, de manière qu’il y en eût un peu pour chacun. À ce dernier point de vue, elle peut donner ou promettre satisfaction aux ambitions les plus diverses, et c’est par là qu’elle a plu souvent aux amateurs de portefeuilles qui n’avaient pas d’opinions bien arrêtées ou qui en changeaient aisément. Nul ne sait ce que nous réservent les élections qui se préparent, ni par conséquent quelles combinaisons nous serons peut-être obligés de subir quand elles seront terminées ; mais ce qui pourrait nous arriver de plus fâcheux serait de retomber dans l’empirisme de la concentration républicaine, alors que nous souffrons surtout depuis quinze ans de l’absence de gouvernement et que le pays en demande un à grands cris. Si nous avions une fois de plus ce vieux pis aller, nous continuerions de demander autre chose, et nous ne serions certainement pas les seuls. Tout le monde y verrait une transition qu’on s’appliquerait à rendre aussi courte que possible, les uns pour revenir à un gouvernement collectiviste et jacobin comme celui d’aujourd’hui, les autres pour lui substituer un gouvernement libéral. Mais rien ne serait pire que de mettre une Chambre nouvelle, qui aura grand besoin de se débrouiller elle-même, en face d’une équivoque et d’une confusion. Les six premiers mois d’une législature en déterminent toute la suite : quand ils ont été mal employés, c’est une législature manquée.

Le besoin d’avoir un gouvernement se fait aujourd’hui sentir sous les formes les plus diverses. De là vient l’impatience d’un grand nombre d’esprits distingués qui accusent la constitution actuelle des conséquences de l’application qui en est faite. Que demandent-ils tous ? La révision. Et quel but donnent-ils à la révision ? Le développement des pouvoirs du Président de la République. Mais que leur répondent ceux qui combattent la révision, la jugeant dangereuse dans l’anarchie où sont tombés les esprits, et ne la considérant pas