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Bourbon et d’un roi. Il fit écrire, par ses secrétaires, des lettres suffisamment émues au beau-père du connétable, le duc de Montbazon, et à la veuve, qui d’ailleurs paraît avoir porté le deuil assez légèrement, puisque, quelques mois après, elle se remariait avec le duc de Chevreuse. Et puis, on ne parla plus du mort, qui, la veille, tenait une si grande place. « Quand on portait son corps pour être enterré dans le duché de Luynes, j’ai vu, dit Fontenay-Mareuil, au lieu de prêtres, deux de ses valets qui jouaient au piquet sur son cercueil, pendant qu’ils faisaient repaître leurs chevaux. »


II - LES SILLERY. — LE CARDINALAT

Quelle situation pour Richelieu ! quel revirement soudain ! Que de méditations sur la conduite à suivre et sur celle qu’il convenait de conseiller à la Reine ! On écrivit, tout d’abord, au Roi, une lettre dont les termes étaient pesés : la Reine lui conseillait d’agir désormais par lui-même, avec un bon Conseil ; de ne partager son autorité avec qui que ce fût. La Reine ajoutait qu’elle-même n’y prétendait nulle part, ne demandant que l’affection et la confiance ; elle déclarait son intention de se prêter uniquement à l’exécution de toutes les volontés du Roi. En un mot, elle ne voulait être, auprès du fils, rien autre chose que la mère c’eût été reprendre, par la voie la plus naturelle, la plus douce et la plus forte influence.

Mais la Cour, remise du premier choc, veillait. Louis XIII était entouré d’un réseau d’ambitions très attentives. Autour de lui, les mailles se renouèrent promptement. Pour le travail des affaires courantes, il y avait, nécessairement, des gens ayant accès auprès du Roi : les ministres, les secrétaires d’État. Par la nature même de leurs fonctions, ils étaient gens de procédure couverte, mais patiente, toujours en garde et toujours aux aguets. Les circonstances leur étaient propices. Ils ne laissèrent pas échapper l’occasion. Ils se glissèrent entre le Roi et la Reine, durant le court intervalle qui sépare la mort de Luynes de la rentrée à Paris. Laissant couler les paroles et les sentimens, ils retardèrent autant que possible la rencontre. Quand elle eut lieu, il était trop tard. Le jeune Roi avait déjà pris de nouvelles habitudes.

Ces gens étaient d’anciens serviteurs de la couronne. L’un, le