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formes de l’activité humaine ; il les assimile les unes aux autres.

C’est précisément ce que fait le matérialisme : il ramène, lui aussi, à un seul ordre les phénomènes psychiques et les phénomènes physiologiques, entre lesquels il ne voit plus qu’une différence de degré, la pensée n’étant qu’un maximum du mouvement vital, ou la vie qu’un minimum de pensée. A la vérité le but des deux écoles est tout contraire : l’une prétend relever l’activité corporelle à la dignité de l’activité pensante et spiritualiser le fait vital ; l’autre abaisse le premier au niveau du second ; elle matérialise le fait psychique. Mais, si les intentions sont différentes, le résultat est identique : l’unicisme spiritualiste est sur la pente de l’unicisme matérialiste. Un pas de plus et l’âme, confondue avec la vie, sera confondue avec les forces physiques.

En revanche, la double modalité a cet avantage d’écarter l’objection tirée de l’existence de tant d’être vivans à qui l’on ne saurait attribuer une âme pensante : les fœtus anencéphales, les jeunes des animaux supérieurs, les animaux inférieurs et les plantes vivant sans pensée ou avec un minimum de pensée véritable et consciente. Le partisan de l’animisme répond que cette activité physiologique est une sorte d’âme qui se connaît à peine, une lueur de conscience. La connaissance de soi-même, la conscience, ont, dans cette doctrine, toutes sortes de degrés. Au contraire, aux yeux des vitalistes ce sont des faits absolus, qui ne comportent pas de transition, pas de transaction entre l’être et le non-être.

C’est cette conception de la continuité de l’âme et de la vie ; c’est l’affirmation d’une dégradation possible de la pleine conscience, à la simple lueur de connaissance, et enfin à l’activité vitale inconsciente, qui ont sauvé l’animisme d’un naufrage complet. Et c’est pour cela que cette vieille doctrine a conservé jusqu’à notre époque quelques rares adeptes. Un savant allemand, G. von Bunge, bien connu pour ses travaux dans le domaine de la chimie des organismes, a professé, dans un ouvrage paru en 1889, des opinions animistes : il attribue à la matière des organismes un principe recteur, qui est une sorte d’âme vitale. Un naturaliste distingué, Rindfleisch (de Lübeck), s’est également rangé parmi les partisans du néo-animisme.