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des limites, permet ainsi de passer de l’activité matérielle à l’activité vitale et de là à l’activité psychique.

Dans ce système, l’énergie matérielle, la vie, l’âme, ne seraient que des combinaisons de plus en plus complexes de l’activité consubstantielle aux atomes matériels. La vie paraît distincte de la force physique et la pensée de la vie, parce que l’analyse n’en est pas assez avancée. Ainsi, le verre paraissait distinct aux anciens Chaldéens du sable et du sel avec lequel ils le formaient. De même, encore, l’eau se distingue aux yeux des modernes de l’oxygène et de l’hydrogène qui la constituent. — Toute la difficulté est de comprendre ce que « l’arrangement » des choses peut introduire de nouveau dans leur aspect, ce que leurs combinaisons qui ne sont que des arrangemens nouveaux des parties élémentaires, — peuvent y amener de variété apparente. C’est cette ignorance qui conduit à les considérer comme hétérogènes, irréductibles et distinctes en principe. Le phénomène vital, complexus de faits physico-chimiques nous apparaît ainsi comme d’une essence différente de ceux-ci ; et c’est la raison pour laquelle nous imaginons des dominantes » et des « forces directrices » plus ou moins analogues à ce principe recteur sidéral de Kepler, qui, avant la découverte de l’attraction universelle, réglait l’harmonie du mouvement des planètes.


Telles sont, avec leurs transformations successives, les trois doctrines générales, les trois courans principaux, entre lesquels a été ballottée la biologie. Ils sont suffisamment signalétiques de l’état de la science positive à chaque époque. Mais on est étonné qu’ils ne le soient pas davantage. C’est qu’en effet ces conceptions sont trop générales ; elles planent de trop haut sur la réalité. Plus caractéristiques à cet égard seront les théories particulières sur les manifestations principales de la matière vivante, sur sa perpétuité par la génération, sur le développement par lequel elle acquiert sa forme individuelle, sur l’hérédité. C’est là qu’il importe de saisir le dessin et le plan de l’édifice qui « s’exécute pour ainsi dire aveuglément, » par les efforts d’une armée de travailleurs, de jour en jour plus nombreuse. — Ce sera l’objet de notre prochaine étude.


A. DASTRE.