Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 9.djvu/321

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

MM. Berryer, Favre, Picard, Simon et Thiers ? Ce n’est donc pas uniquement par le talent qu’il faut expliquer l’importance croissante depuis huit ans de M. Emile Ollivier, importance à laquelle, en cherchant bien dans nos souvenirs, nous ne saurions comparer que celle qui fit deux fois de M. de Lamartine l’arbitre de la situation politique : la première fois après le 29 octobre 1840, et la seconde fois après le 24 février 1848. En 1840 et en 1848, la Presse sans aucun calcul, sans aucune préméditation, sans aucune complaisance, par la seule logique des principes aux prises avec les faits, se trouva alors derrière M. de Lamartine, le défendant intrépidement, comme elle se trouve pareillement aujourd’hui sans complaisance, sans préméditation et sans calcul, derrière M. Emile Ollivier, qu’elle est à peu près seule à soutenir contre tous les journaux ligués qui, depuis dix mois, le battent en brèche soir et matin à Paris et dans les départemens, à Bruxelles et à Francfort, avec un ensemble d’efforts et une variété de moyens attestant une science n’ayant d’égale que la perfidie. »

Quelques jours après, j’aperçus, au sortir de la Chambre, le comte d’Haussonville, un des esprits les plus vaillans, les plus loyaux, les plus éclairés, les plus spirituels de ce temps. Je me détournai pour l’éviter, supposant, à cause de la vivacité de ses opinions orléanistes, que mon discours lui avait déplu. Il vint droit vers moi et me dit : « Vous avez fait un acte fâcheux pour vous et qui vous attirera bien des désagrémens ; comme ami, je ne vous l’aurais pas conseillé, mais il sera bien utile : il nous permettra d’avoir des candidats partout. Votre discours a agi comme cent, celui de Thiers comme vingt-cinq. »


IX

Quelques difficultés s’étant élevées en Algérie, l’Empereur résolut d’aller lui-même faire une enquête sur les lieux.

Quoiqu’il ne quittât pas le territoire français, il donna à l’Impératrice une marque de sa haute confiance et, afin d’assurer l’expédition rapide des affaires, il lui remit la régence : elle présiderait, en son nom, le conseil des ministres et le Conseil privé ; toutefois, il ne lui fut pas accordé d’autoriser par sa signature la promulgation d’aucun sénatus-consulte ni d’aucune loi de l’État