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Cependant, entremêlées aux tableaux historiques se trouvaient dans le discours un certain nombre de réflexions, les unes déplacées dans une bouche officielle, telles que celles sur le catholicisme douteux de Napoléon Ier[1], d’autres contraires à la politique du gouvernement, telles que celles sur l’obligation de secourir la Pologne, impliquant la condamnation de l’Empereur qui ne l’avait pas fait. L’attaque contre le pouvoir temporel du Pape défendu par notre diplomatie impériale était des plus violentes[2] ; de dures paroles visaient les ministres[3], et la phrase suivante frappait l’Empereur lui-même : « Napoléon Ier ne faisait jamais que ce qu’il voulait et il savait le faire complètement. »

Il était étonnant aussi qu’au milieu d’une telle exaltation de la liberté, il n’y eût pas un mot de justice, sinon de reconnaissance, pour tout ce que l’Empereur avait fait de considérable en faveur de la liberté civile et d’important pour la liberté politique.

Il était impossible que l’Empereur supportât en silence une telle manifestation.


XI

L’Empereur arrivait d’Oran à Alger, sur l’Aigle, lorsqu’on lui remit ce discours. Il le fut attentivement, puis il dit à son secrétaire Franceschini-Pietri : « Il est toujours le même ; il a manqué de mesure. Quelques phrases de moins et ce serait bien. » Cédant à ce terrible premier mouvement épistolaire

  1. « Napoléon était religieux d’une manière générale, mais il est difficile de rattacher ses convictions à une religion formulée. Avant qu’il ne fût maître de la Révolution, il partageait évidemment les idées philosophiques de tous les partisans du nouveau régime. Chef d’État, il ne suivit les prescriptions d’aucun culte et refusa à Pie VII, pour lequel il avait une affectueuse vénération, de communier lors du sacre et du couronnement. »
  2. « Ne sentez-vous pas à ces luttes soulevées pour le pouvoir temporel qu’il s’agit aujourd’hui d’enlever cette dernière forteresse du moyen âge ? Rome aux mains du Pape, c’est le foyer de la réaction contre la France, contre l’Italie, contre notre société : singuliers catholiques que ceux qui veulent faire dépendre l’avenir de la religion d’un pouvoir temporel maintenu à Rome par la force. »
  3. « Les subalternes empressés à mettre le Gouvernement à l’abri de la moindre attaque, mais qui, dans leur faux dévouement et leurs exagérations intéressées, ne cherchent qu’un moyen de dissimuler au public et au Souverain leur insuffisance et leurs fautes. »