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les bancs de thon et les bandes d’oiseaux de proie qui les suivent. Les éperviers ou faucons sardes sont toujours demeurés célèbres : longtemps cette côte de Sardaigne paya en faucons son tribut aux rois espagnols.

Répandus dans toute la Méditerranée antique, les doublets gréco-sémitiques sont plus fréquens dans les eaux grecques. Toutes les îles grecques, ou presque toutes, nous en ont conservé quelqu’un. Il suffirait de réunir en liste les noms insulaires de l’Archipel. Chaque île grecque a deux noms pour le moins. La même île se nomme à la fois Ortygia et Dèlos, Kallistè et Thèra, Akhnè et Kasos, Kéladoussa et Rhèneia, etc. L’un de ces noms, authentiquement grec, a pour nous une signification très claire : Kéladoussa est l’Ile Hurlante ; Akhnè est l’Ile de l’Écume. L’autre nom devient aussi clair et nous rend la même signification, quand nous l’expliquons par le vocabulaire sémitique : Rhèneia en hébreu est le Hurlement, et Kas est l’Écume. Etudiez l’un de ces doublets à l’aide de l’Odyssée et des Instructions nautiques : vous percevrez les raisons ou visions de marins d’où sortit cette onomastique.

Prenez, par exemple, le doublet Amorgos-Psychia. Entre les côtes de l’Asie Mineure et les côtes de la Grèce, le pont des Cyclades n’est interrompu que par le large canal qui sépare Icaria de Myconos, Amorgos de Léros, Astypalée de Kos. Les autres chenaux insulaires sont sans largeur ; ce canal médian est, au contraire, un « abîme de mer, » comme dit l’Odyssée. En son milieu cependant, entre Amorgos et Léros, la traversée en est rendue moins longue par deux îlots rocheux qui le barrent et qui peuvent, quelques instans, servir d’abri. Aussi, pour atteindre les îles et les côtes helléniques, les marins orientaux choisissent de préférence cette traversée entre Léros et Amorgos, et cette dernière île leur offre, après ce long trajet, un reposoir assuré avec de bons ports et des aiguades.


La côte Sud d’Amorgo, disent les Instructions, est une succession de falaises énormes d’une grande hauteur, d’où les rafales tombent avec fureur pendant les coups de vent de Nord, balayant l’eau en écume. Les navires qui longent cette côte devront s’en tenir à grande distance ; on n’y trouve ni abri ni mouillage. Mais la côte Nord offre deux bons mouillages. Port Vathy (le Port Profond) est un petit port sûr, bien que les coups de vent de Nord-Est y soient violens. Mais la tenue est bonne et les navires y sont à l’ancre en sûreté. Il n’y a aucun écueil à redouter en entrant dans le port, car le rivage est accore tout autour. A l’extrémité Nord-Est d’Amorgos, la baie