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de Santa-Anna a trois quarts de mille de profondeur et près de un mille et demi de largeur au fond, où il y a une plage de sable et quelques maisons isolées. Elle est ouverte à l’Ouest et a de grands fonds. Cependant un navire pourrait en cas de nécessité mouiller dans le Nord-Ouest. Un ruisseau de bonne eau douce se jette dans la baie.


L’Amorgos des Anciens avait ses deux ports à Santa-Anna et à Port Vathy. Sur les sables de Santa-Anna, c’était le port grec d’Aigialè, la Plage. Dans le cercle profond de Port Vathy, c’était une ancienne Halte phénicienne, une Minoa. L’île entière portait les deux noms de Amorgos et de Psychia. Le premier est incompréhensible en grec. Le second signifie l’Île du Souffle ou du Frais. Un texte d’Hérodote nous donne la juste valeur de ce terme dans la langue des navigateurs : « La flotte arrivée sur cette plage, on souffla et l’on hala les navires à sec, ἐς τοῦτον τὸν αἰγιαλὸν ἀνέψυχον. » La Plage, Aigialè, d’Amorgos offre un pareil rivage à l’échouement des navires. Venus du Sud-Est, les marins d’Asie soufflent vraiment en ce refuge. Car il leur a fallu traverser le grand abîme, qui sépare Amorgos des îles asiatiques, puis doubler le coup de rame quand la côte Sud-Est de l’île leur est apparue. Cette côte terrible, « d’où les rafales tombent avec fureur, balayant l’eau en écume, » est toute semblable à telle côte odysséenne qui se dresse fumante d’embrun et fouettée de grosses vagues retentissantes : « Attention, dit Ulysse, que tout le monde écoute bien ! tenez ferme sur les bancs et pesez sur les rames : la côte est accore ; il ne faut pas craindre de taper fort dans l’eau ; il s’agit de ne pas rester là-dessous, mais, si Dieu le veut, de nous en tirer. » On double le coup de rame et l’on passe ; mais, de l’autre côté, on éprouve le besoin de souffler, et rien n’est bon alors comme une plage éventée, où l’on peut tirer le vaisseau et manger ou dormir au frais : quand Ulysse a franchi les roches grondantes, il est forcé, par la révolte de son équipage, de relâcher dans le Port Creux, sur une plage de sables, auprès d’une aiguade.

Sur la côte Nord-Est d’Amorgos, une fois les falaises contournées, les marins orientaux trouvaient dans la baie de Santa-Anna une plage, une source et les vents frais du Nord. C’était bien la Plage du Souffle, Aigialè Psychia, où l’on séjournait un peu avant d’atteindre le Port de la Halte, Minoa. Or les Septante traduisent par le mot grec anapsyxis (c’est le mot qu’Hérodote employait plus haut) le terme hébraïque margoa ou morgoa, dans