de ses contreforts, au point que l’île semble ne faire plus qu’une avec le mont. Elle est fille de la montagne pernicieuse, Ἂτλαντος ὀλοόφρονος, d’où tombent les rafales. Autour d’elle tourbillonnent les courans : « Lorsqu’on navigue dans le détroit avec des vents d’Est, disent les Instructions, il faut se défier des rafales, souvent très violentes, quand on est à l’Ouest du morne de Gibraltar, dans les environs du Mont-aux-Singes, presque à la pointe Ciris. Avec les vents d’Ouest, les rafales sont à craindre, quand on est à l’Est du morne de Gibraltar, aux abords du Mont-aux-Singes, dans la baie de Benzus et dans celle de Ceuta... Les raz de marée des pointes Ciris, Leona, etc., jusqu’à Ceuta, ont peu d’étendue ; mais ils sont quelquefois assez violens, et, près des pointes Ciris et Leona, on a des courans de 3 à 4 milles. » Perejil est bien l’île cerclée de courans, ἀμφιρύτη, de l’Odyssée.
J’aurais voulu contrôler de mes yeux, comme je l’ai fait pour les autres sites de l’Odyssée, l’exactitude de ces Instructions nautiques. Des circonstances indépendantes de ma volonté ne m’ont pas permis de poursuivre jusqu’à Perejil mon voyage odysséen. Mais tout avait été combiné pour cette expédition. M. A. de Gerlache, le commandant du yacht Selika, qui rentrait des mers Levantines après une fructueuse expédition scientifique, avait bien voulu m’offrir passage à son bord, où mon ami M. J. Bonnier, directeur du laboratoire biologique de Wimereux, était embarqué. Nous devions partir de Naples le 18 juin 1901. Ne pouvant me trouver au rendez-vous, j’ai prié M. J. Bonnier de se charger de la besogne. C’est à lui et à M. Ferez, son compagnon de voyage, que je dois les photographies de Kalypso, et M. Bonnier a bien voulu m’écrire sur les lieux mêmes la description que voici :
Nous venons de passer quatre heures à Perejil. Nous étions arrivés ce matin en vue de Gibraltar. La brume remplissait le détroit et elle était assez épaisse pour qu’il nous fût impossible de distinguer la côte d’Afrique ; vers dix heures, il a même plu. Il nous a donc été impossible d’apercevoir et de photographier le Mont-aux-Singes. Après un léger crochet dans la baie d’Algésiras, nous avons traversé le détroit du Nord au Sud ; nous avons atteint la côte africaine et nous nous sommes mis à la recherche de Perejil. C’est une vraie recherche. L’île est difficile à trouver. Même quand le temps est tout à fait clair, elle ne peut être distinguée de la côte africaine, dont elle semble l’une des nombreuses indentations. Dans la brume, un œil non prévenu ne saurait l’apercevoir. Il faut l’aide de la carte pour la découvrir sous la pointe Leona. cette pointe elle-même, assez avancée, se découvre