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sol de la première salle, en pente assez raide. L’axe de la seconde chambre est presque perpendiculaire à l’axe de la première. La rampe du sol continue de monter vers le plafond, qu’elle atteint au fond de la salle. Ce fond est très obscur : il nous a fallu des bougies pour y pénétrer. Autrefois la caverne devait être beaucoup plus longue. Elle devait, semble-t il, occuper tout le couloir marin, que la crique découverte remplit aujourd’hui de ses eaux. Ce couloir, à ciel découvert maintenant, portait un plafond qui s’est effondré : les blocs gisent dans l’eau peu profonde ; sur le pourtour des parois, une corniche saillante subsiste, indiquant encore la hauteur du plafond. La caverne devait donc s’avancer jusqu’à la mer libre, ou peu s’en faut, et présenter aux marins un refuge plus visible. Actuellement, des épaves de filet, des flotteurs de liège et de bois jonchent encore le seuil de l’entrée : les pêcheurs doivent connaître et fréquenter cet abri, que l’on ne peut atteindre que par mer, car, du côté de la terre, il est littéralement inaccessible ; c’est pour les marins une cachette presque introuvable et un inexpugnable réduit.

Il n’y a pas trace dans l’ile d’aiguade ou de torrent. Mais il est possible de se procurer facilement de l’eau sur la côte voisine. De nombreux ruisseaux tombent, en outre, du Mont-aux-Singes ; la verdure de ces torrens apparaît dans les maigres cultures et dans les pacages où l’on aperçoit quelques troupeaux de chèvres et de vaches…

Voilà tout ce que fut cette expédition, qui présente quelques fatigues, mais aucun danger, quoique les Instructions nautiques recommandent la prudence et parlent des incursions soudaines de pirates Rifains. La grotte offrirait certainement aux marins un bon lieu d’embuscade, une excellente cachette, et l’île tout entière est véritablement une cachette dans le détroit : il faut la connaître pour la découvrir ; à quelques milles, nous ne la distinguions déjà plus parmi les contreforts du Mont-aux-Singes.

IV

Voilà donc bien l’Île de la Cachette, l’Île de Kalypso (ϰαλύπτω, je cache, je couvre), l’île boisée, l’île toute jonchée de persil et de fleurs violettes, se dressant sur les flots comme un « nombril » sur un bouclier homérique, et portant deux tables, deux étendues planes, couvertes de bois et d’herbes. Que les premiers navigateurs du détroit aient connu et fréquenté ce refuge ; que, Tyriens ou Carthaginois, ces caboteurs de la côte africaine aient adopté cette merveilleuse station de pêche, de commerce et de piraterie : nous pouvons a priori l’affirmer. Avec la rade couverte de tous vents, qu’elle laisse entre elle et la côte ; avec sa caverne accessible aux seuls gens de mer et inaccessible aux terriens, facile à découvrir quand on vient de l’Est, impossible à voir de tous les autres côtés ; avec sa haute guette, qui domine