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d’utilité publique et travaillent activement à développer les industries à domicile, cette spécialité de la campagne russe. Leurs attributions sont nombreuses, encore que sous le règne d’Alexandre III on leur en ait retiré plusieurs. Alexandre II, de magnanime mémoire, inaugura les deux zemstvos de district et de gouvernement, qui correspondent à nos conseils municipaux et généraux ; il les avait créés pour compléter l’action des communes rurales, lesquelles, on le sait, se gouvernent elles-mêmes, portant, selon la région, au nord le nom de mir, au sud celui de gramada. La commune est une institution sortie du sol et qui a longuement grandi au cours des siècles, conservant sous l’autocratie d’antiques libertés. Tandis que l’administration était modifiée de règne en règne par l’effet de théories bureaucratiques plus ou moins heureuses, la commune restait immuable ; elle avait des racines autrement profondes. Ses droits demeurent si bien assis et respectés que les délits de chaque village sont jugés en première et même en seconde instance par elle seule.

Alexandre II voulut que ces ruraux déjà rompus aux affaires fussent admis à siéger sur un pied d’égalité, avec les nobles, dans l’assemblée nouvelle, avec cette différence pourtant que les députés nobles ont chacun une voix et que les paysans votent par groupes. Tous les trois ans les députés du zemstvo sont élus par les propriétaires fonciers, les communes rurales et les corporations municipales. Chaque gouvernement et chacun des districts entre lesquels ce gouvernement est subdivisé a son zemstvo ; il se réunit au moins une fois l’an (le zemstvo de district en septembre, le zemstvo de gouvernement en décembre). Un bureau exécutif permanent est élu par cette assemblée et choisi parmi ses membres. Ainsi ce que n’eut jamais la libre Angleterre elle-même, un parlement de comté, l’administration étant toujours restée entre les mains des grands propriétaires, la Russie autocrate le possède ; c’est un Anglais, observateur pénétrant des mœurs et des institutions russes, Mackenzie Wallace, qui en fait la remarque[1]. Ayant assisté pendant trois semaines aux séances de ces États provinciaux, il constate, dès 1870, que sans doute la discussion est dirigée dans ce local self government par les députés de la noblesse, mais qu’il a entendu

  1. Russia, by Mackenzie Wallace, 2 vol. Londres.