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inutiles à vrai dire ; mais peut-être vont-elles essayer de rivaliser avec les écoles primaires du zemstvo, avec celles qu’ont fondées çà et là des générosités individuelles. Déjà cette pépinière de jeunes maîtres, qui seront un jour dispersés dans les campagnes, semble promettre. Les professeurs appelés à les former sont tous laïques ; mais, sortis des séminaires, ils ont obtenu le diplôme académique qui assure aux membres du clergé noir leur supériorité intellectuelle sur le clergé blanc.

Quant aux élèves, ce sont des fils de paysans. L’archevêque de Poltava souhaite de donner aux enfans de la campagne des instituteurs de leur classe et connaissant leurs besoins. L’idée est belle. C’est susciter le trait d’union indispensable dont je parlais tout à l’heure entre la barbarie d’en bas et l’excessive culture d’en haut. Si de semblables écoles se multiplient, nous assisterons à la fin de l’enseignement routinier du pope et une élite parmi les paysans sera graduellement initiée à la civilisation qui est celle de l’Europe entière. Déjà j’ai constaté l’effet produit sur ces jeunes gens du peuple par le linge blanc, les habits propres, les dortoirs garnis de lits de fer en bon ordre, le lavabo obligatoire. Je les ai vus, il est vrai, au meilleur moment, celui de la leçon de musique, l’étude qu’ils préfèrent. Mais qui peut dire le bien qu’avec le temps produira ce grain de sénevé, cette toute petite école normale jetée par un prêtre intelligent au milieu du champ de bataille où la Russie conquit définitivement son rang parmi les puissances européennes ?


TH. BENTZON.