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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 9.djvu/438

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POÉSIES


JEUNESSE


Pourtant tu t’en iras un jour de moi, Jeunesse,
Tu t’en iras, tenant l’Amour entre tes bras,
Je souffrirai, je pleurerai, tu t’en iras.
Jusqu’à ce que plus rien de toi ne m’apparaisse.

La bouche pleine d’ombre et les yeux pleins de cris.
Je te rappellerai d’une clameur si forte
Que, pour ne plus m’entendre appeler de la sorte,
La Mort entre ses mains prendra mon cœur meurtri.

Pauvre Amour, triste et beau, serait-ce bien possible
Que, vous ayant aimé d’un si profond souci.
On pût encor marcher sur le chemin durci
Où l’ombre de vos pieds ne sera plus visible ?

— Revoir sans vous l’éveil douloureux du printemps.
Les dimanches de mars, l’orgue de Barbarie,
La foule heureuse, l’air doré, le jour qui crie,
La musique d’ardeur qu’Yseut dit à Tristan,

Sans vous, connaître encor le bruit sourd des voyages,
Le sifflement des trains, leur hâte et leur arrêt.
Comme au temps juvénile, abondant et secret,
Où dans vos yeux clignés riaient des paysages.