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LE REPIT


O rude et consolant hiver, hiver de neige,
Hiver sans volupté, sans chant et sans odeur,
O saison sans semaille et sans ferment, protège
L’appesantissement étroit et las du cœur.

Que tes mains sans moiteur étreignent bien les têtes
Que les trop doux Juillets penchèrent de désirs ;
Clos les robes de fin que ses jeux ont défaites
Et donne aux prompts élans d’amollissans loisirs.

— Qu’ayant oublié l’air, les routes et l’espace,
Auprès du feu qui fait un bruit mouvant et bas,
On prenne du plaisir à boire dans la tasse,
A lire dans le livre, à ne se chérir pas...

Qu’on ait des soins du jour son ardeur occupée.
Qu’on soit plein de torpeur et de menu vouloir,
Qu’on quitte sans regret les heures échappées,
Qu’on écoute sans peur la musique, le soir.

— Mais tandis que sera si prudente la vie
J’entendrai s’apprêter dans les jardins du Temps
Les flèches de soleil, de désir et d’envie
Dont l’été blessera mon cœur tendre et flottant.


LES REGRETS


Allez, je veux rester seule avec les tombeaux ;
— Les morts sont sous la terre, et le matin est beau,
L’air a l’odeur de l’eau, de l’herbe, du feuillage.
Les morts sont dans la mort pour le reste de l’âge...
Un jour mon corps dansant sera semblable à eux.
J’aurai l’air de leur front, le vide de leurs yeux,
J’accomplirai cet acte unique et solitaire.
Moi qui n’ai pas joué seule, aux jours de la terre.