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au condominium existant était substitué un partage des Duchés : L’Autriche prenait le Holstein, et la Prusse, le Sleswig.

La manière dont cette distribution des Duchés s’était opérée indiquait bien les arrière-pensées de Bismarck. Il n’avait pris que le Sleswig, le plus pauvre des deux Duchés, et avait laissé à l’Autriche le Holstein, une des provinces les plus riches et les mieux cultivées de l’Allemagne. Mais, en choisissant la province la plus éloignée de ses frontières, il enserrait le Holstein, dont il tenait déjà les clefs par Kiel et par les routes militaires, entre ses anciennes provinces et sa nouvelle possession, de manière à en exclure forcément l’Autriche, séparée de son duché par toute l’épaisseur de la Confédération germanique. En outre, le Holstein était rattaché à la Confédération, ce qui autorisait la Diète à regarder ce qui s’y passait, tandis que le Sleswig, ne relevant de personne, la Prusse y serait la maîtresse. Enfin, dans des dispositions intentionnellement obscures, relatives aux postes et aux télégraphes, il s’était réservé le moyen de soulever tous les conflits désirables. On a parlé d’articles secrets sur l’éventualité d’une rétrocession du Holstein à la Prusse ; il paraît certain qu’il n’en a été signé aucun. Bismarck a seulement prétendu que les plénipotentiaires autrichiens admirent oralement cette éventualité. Eux, l’ont contesté.


VI

Le 10 août, Bismarck envoya de Gastein à Goltz deux dépêches. La première, très étendue, expliquait la portée réelle des négociations terminées l’avant-veille. Elles étaient conformes à sa politique immuable dans les Duchés ; il s’efforcerait d’y tenir compte des nationalités et du vœu des populations ; il se prêterait, lorsqu’il serait secondé par des circonstances favorables, à restituer au Danemark le plus grand nombre des districts du Sleswig septentrional, habités par des populations non allemandes ; mais la convention ne changeait rien à ses vues sur le reste des pays transelbins, elle en ajournait tout au plus la réalisation ; les manifestations dont plusieurs villes des Duchés venaient d’être le théâtre, organisées par des meneurs intéressés au maintien d’un état social et économique qui date du Moyen-Age, ne représentaient pas l’opinion réelle ; l’ambassadeur devait prémunir le gouvernement français contre la grande erreur d’y