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ses possessions d’Europe et d’Asie, à la colonisation germanique. Les colonies hollandaises et allemandes formeraient, en outre, l’amorce d’un domaine colonial, qui s’accroîtrait peu à peu de tous les territoires où auraient pénétré, dans leur expansion illimitée, la race, la langue et la culture allemandes, — deutsche Art, deutsches Wesen, deutsche Gesittung ; — ce qui ne tendrait à rien moins qu’à absorber rapidement l’univers dans la communauté germanique.

Ce n’est pas par la modestie que pèchent les pangermanistes. « Nous sommes, sans aucun doute, proclame M. Fritz Bley, le premier peuple guerrier de la terre. Pendant deux siècles, c’est l’énergie germanique qui a maintenu l’Empire romain vermoulu ; car des Allemands seuls étaient capables de vaincre la force allemande. En sept batailles décisives, dans la forêt de Teutobourg, aux champs catalauniques, à Tours et à Poitiers, sur le Leck, à Liegnitz, devant Vienne contre les Turcs et à Waterloo, nous avons sauvé la civilisation de l’Europe. Nous sommes le peuple le plus habile dans tous les domaines de la science et de l’art. Nous sommes les meilleurs colons, les meilleurs marins, les meilleurs marchands ! » Cela ne suffit point encore ; les pangermanistes tiennent à établir que leur peuple est le plus instruit, leur langue la plus riche ; le germanisme doit représenter la plus grande force civilisatrice ; c’est de lui que serait venu, directement ou indirectement, tout ce qui s’est fait de bon dans le monde, les libertés modernes comme les grandes découvertes ; les plus beaux monumens de l’architecture et de l’art s’épanouiraient sur le sol allemand. D’où la conclusion que, la race germanique étant la plus forte, la plus prolifique et la plus morale, c’est à elle qu’appartient l’avenir et le siècle qui s’ouvre sera le « siècle allemand. »


Wir sind von des Donnerers Heldengeschleeht,
Wir wollen das Weltall erben ;
Das ist alte Germanenrecht
Mit dem Hammer Land zu erwerben.


Comme on l’a vu, le pangermanisme est, de sa nature, anglophobe et anti-slave ; ses théoriciens n’ont point pour nous de malveillance particulière et se contentent de quelque dédain. A vrai dire, il ne nous font aucune place dans le système impérial du monde, auquel le pangermanisme devrait servir de clef