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princes. Vous aurez lieu de vous en repentir, car vous éprouverez que tout ce que vous aurez déterminé avec M. le Duc de Bourgogne sera détruit plus tard à son petit coucher[1]. » Mais on peut mettre en doute l’exactitude du propos, comme au reste plus d’une assertion de Bellerive, car on ne voit pas ce que Vendôme avait à gagner à cette association, dont le seul résultat pouvait être de lui enlever une partie de la gloire qu’il comptait acquérir.

Il est plus probable, au contraire, que l’idée vint de Louis XIV, et qu’il crut faire merveille en mettant Vendôme à côté du Duc de Bourgogne, le Duc de Bourgogne à côté de Vendôme, chacun des deux devant compléter l’autre : Vendôme était audacieux, le Duc de Bourgogne circonspect ; la circonspection de l’un tempérerait l’audace de l’autre ; Vendôme était peu regardant à la discipline des troupes ; le Duc de Bourgogne y était peut-être trop strict ; la juste sévérité du second corrigerait la trop grande indulgence du premier, et il en serait ainsi des défauts et des qualités de chacun des deux, qu’il espérait voir se fondre dans une heureuse moyenne. Un triste lendemain n’allait pas tarder à montrer combien le calcul était trompeur. Mais, dès la veille, ce qu’il avait de périlleux n’échappait pas aux esprits sagaces. Déjà, dix années auparavant, Fénelon avait signalé les périls de cette association : « Je ne voudrais, disait-il, mettre M. de Vendôme ni avec le roi d’Espagne ni avec M. le Duc de Bourgogne. Outre qu’il est trop dangereux sur les mœurs et sur la religion, de plus c’est un esprit roide, opiniâtre et hasardeux[2] ; » et, d’une lettre écrite par lui à la fin de la campagne de 1708. on devine qu’il regrettait qu’auprès du Duc de Bourgogne on n’eût pu mettre Câlinât, tout vieilli qu’il fût[3].

Il y avait à la Cour quelqu’un de non moins attaché au Duc de Bourgogne et de non moins sagace que Fénelon : c’était

  1. Saint-Simon, édition Boislisle, t. XVI, p. 545.
  2. Fénelon, Œuvres complètes, édition de Saint-Sulpice, t. VII, p. 158.
  3. Ibid., p. 285.