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allusion, en écrivant ce mot, à la « loi des trois états, » où ses « disciples » ont bien pu voir « la plus importante de ses découvertes, » mais qui n’est pas tout le positivisme, et que je prétends même qu’on en peut utilement détacher. Veut-on d’ailleurs la conserver ? On le peut ! et il suffit que les trois états, théologique, métaphysique et positif, coexistent de tout temps dans la réalité présente, au lieu de s’être, comme l’enseignait Comte, succédé dans l’histoire. Ni la science ne triomphera de la philosophie, ni la philosophie ne prévaudra contre la religion. Le besoin de croire est inhérent à la nature humaine ; il en est un attribut ou un caractère essentiel, comme le besoin de respirer, et quand on essaie de le détourner de son objet légitime, Comte lui-même, avec sa religion du « Grand être, » ne nous est-il pas un assez éloquent témoin des conséquences auxquelles on aboutit ? Mais ce que je veux dire, c’est qu’en passant de l’inorganique à l’organique, des sciences de la matière aux sciences de la vie, de la physique à la biologie, Comte a reconnu qu’il lui fallait élargir sa méthode, et, selon ses propres expressions, du point de vue statique, passer au point de vue dynamique. « En présence des êtres organisés, a-t-il dit, on s’aperçoit que le détail des phénomènes, quelque explication suffisante qu’on en donne, n’est ni le tout, ni même le principal ; que le principal, on pourrait presque dire le tout, c’est l’ensemble dans l’espace, le progrès dans le temps ; et qu’expliquer un être vivant, ce serait montrer la raison de cet ensemble et de ce progrès qui est la vie même. » C’est ce qu’il a essayé de faire ; et ici, les conclusions où sa tentative l’a conduit sont assez importantes pour qu’on le laisse parler lui-même[1].

« Il est clair que les variations continues des opinions humaines, selon le temps ou suivant les lieux, n’affectent pas l’uniformité radicale de l’intelligence humaine… Le spectacle de ces grands changemens n’a pu faire croire à l’incertitude totale de nos connaissances quelconques que par suite même de la prépondérance, jusqu’ici plus ou moins persistante — 1842 — d’une philosophie absolue, qui ne permettrait pas de concevoir la vérité sans l’immuabilité. Une autre conséquence, plus fréquente et non moins funeste, de ce vicieux régime intellectuel, se trouve parallèlement dissipée par la philosophie positive, toujours sagement

  1. Philosophie positive, I. VI, p. 625.