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satisfaction. Les visites que se font de temps à autre les chefs d’État européens sont chose traditionnelle et normale, et c’est parce que nous n’en avions ni reçu ni fait pendant plus d’un quart de siècle que le premier voyage de l’empereur Nicolas en France, aussi bien que le premier voyage du Président de la République en Russie, ont été environnés pour nous de tant d’éclat. Ils nous révélaient quelque chose, resté jusqu’alors un peu obscur. Il ne peut plus en être de même aujourd’hui.

Le seul incident nouveau est l’arrêt que M. le Président de la République a fait à Copenhague, en revenant de Saint-Pétersbourg, et sa visite au roi de Danemark. Il n’y a pas en Europe un souverain qui, par son âge, ses qualités personnelles, ses alliances de famille, soit plus respecté que le roi Christian : il n’y en a pas non plus qui, pour ces raisons et pour d’autres encore, excite chez nous plus de respectueuse sympathie. L’histoire a rapproché souvent le Danemark et la France dans des destinées communes, tantôt heureuses, tantôt, hélas ! douloureuses, de sorte que les événemens qui se sont passés dans l’un de ces pays ont eu souvent un contre-coup dans l’autre. Il est rare qu’un pays territorialement aussi petit que le Danemark ait joué un rôle aussi important. Cela tient à deux causes principales : sa situation géographique et le sentiment qu’ont toujours eu ses habitans de la haute mission qu’elle leur attribuait. Dans un discours fameux, M. Thiers, empruntant une expression à un écrivain du XVIIIe siècle, disait du Danemark qu’il avait « le tempérament vertueux, » et il donnait à ce mot tout le sens politique qu’il comporte. Le Danemark a été, il est resté très grand par le cœur, et la manière dont il a supporté son infortune n’a pu qu’augmenter la considération dont il jouissait. Le roi Christian incarne les qualités de son pays. Les paroles que M. le Président de la République lui a adressées exprimaient les sentimens de la France, qui fait des vœux sincères pour la prospérité du Danemark, pour le bonheur de son souverain, pour celui de la famille royale tout entière.


Aussitôt rentré à Paris, M. le Président de la République a pu reconnaître que la situation ne s’était pas débrouillée en son absence. Nous ne savons pas quelles réflexions il a pu faire en mer, dans les momens de loisir de la traversée ; mais, en quittant la Fiance, il était plein d’admiration et de reconnaissance pour son ministère. Il a fait à Brest, à la fin d’un banquet, un éloge de M. Waldeck-Rousseau qui a paru excessif, assurant que personne ne l’avait égalé