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Après le discours du comte Goluchowski aux Délégations austro-hongroises, celui que M. Prinetti devait prononcer dans la discussion du budget des Affaires étrangères était attendu chez nous avec un vif intérêt. On se rappelle que le ministre de l’empereur François-Joseph avait dit qu’en ce qui concerne l’Autriche, la Triple-Alliance serait intégralement renouvelée dans son esprit et dans son texte. Le ministre du roi Victor-Emmanuel tiendrait-il le même langage ? Pouvait-il le faire après les changemens qui se sont produits dans les rapports de l’Italie et de la France ? La situation internationale de l’Autriche-Hongrie ne s’est modifiée en aucune manière ; il n’en est pas de même de celle de l’Italie. Les dangers que celle-ci a cru autrefois découvrir d’un certain côté de ses frontières se sont dissipés. Elle sait fort bien que la France ne peut nourrir contre elle aucun mauvais dessein sur le continent européen ; mais elle a eu longtemps des craintes, au sujet de la Méditerranée. Des déclarations très franches de part et d’autre n’en ont plus rien laissé subsister. A partir de ce jour, un changement très heureux s’est manifesté à notre égard dans l’opinion italienne, revenue aux sentimens qui n’auraient jamais dû cesser d’exister entre les deux pays. La discussion du budget des Affaires étrangères à Rome, nous en a apporté la preuve : tous les orateurs sans exception ont parlé de la France dans les mêmes termes, c’est-à-dire avec une cordiale amitié, et plusieurs d’entre eux ont dit très nettement et très fermement qu’une situation nouvelle comportait des arrangemens nouveaux. L’un d’eux, M. Barzilaï, a même attaqué la Triple-Alliance dans son principe. Il a soutenu que l’Italie serait plus forte si elle était libre de tout engagement, à quoi M. Prinetti a répondu en citant l’exemple de l’Angleterre, qui renonçait à son « splendide isolement » pour contracter des alliances, et il a conclu qu’il fallait faire comme les autres. Cela est-il bien sûr ? L’exemple des uns doit-il nécessairement servir de modèle aux autres ? Les situations sont-elles les mêmes pour tous ? Peut-être l’Italie ne se rend-elle pas encore suffisamment compte de la facilité avec laquelle elle pourrait se passer de tout le monde. Mais c’est son affaire. Contentons-nous de retenir cette déclaration de M. Prinetti que, depuis son entente avec la France, certaines des considérations qui avaient déterminé l’Italie à entrer dans la Triple-Alliance ont perdu de leur valeur. Il a ajouté, à la vérité, que ces considérations n’avaient pas été les seules à la déterminer : il y en a eu d’autres, dont l’importance subsiste, et qui se rapportent aux Balkans. L’Italie avait à se procurer des garanties de ce côté. La Triple-Alliance les lui assure, évidemment,