Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 9.djvu/77

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tartare et aux inévitables colonies allemandes de la Dobroudja, ce fut un legs de la Turquie au nouveau royaume de Roumanie.

En revanche, les pays roumains n’échappèrent pas davantage que les pays hongrois à des pénétrations diverses, plus récemment provoquées soit par les bouleversemens politiques, soit par le jeu des transformations économiques. Un afflux de juifs allemands se dirigea de la Galicie vers la Hongrie, et de la Petite Russie vers la Moldavie ; des juifs espagnols passèrent le Danube pour s’installer en Valachie ; une petite proportion d’Arméniens remonta jusqu’en Transylvanie et en Pologne ; les Grecs prirent pied en Valachie et s’installèrent dans les ports du bas fleuve. Des sectaires, les Lipovans et les Skoptsi, chassés de la Russie par l’intolérance religieuse ou par la justice des lois, se réfugièrent en Bucowine et en Roumanie ; le malheur des temps implanta sur la rive gauche du Danube des colonies serbes et bulgares ; le travail des champs continue à attirer, chaque année, en Roumanie une immigration temporaire des deux races. Enfin, le développement du commerce et des affaires, la création des industries provoquèrent une dernière importation de capital et de travail étrangers : les Allemands furent à peu près seuls à s’emparer du domaine hongrois ; en Roumanie, ils prennent une place grandissante, mais s’y trouvent en concurrence avec la plupart des nationalités européennes.

Les religions sont aussi multiples que les races : le catholicisme latin réunit les Hongrois, la majorité des Slovaques, une fraction des Allemands, quelques Serbes et Bulgares ; les Ruthènes et les Roumains possèdent chacun une église unie. L’orthodoxie embrasse le plus grand nombre des Roumains, des Serbes et des Bulgares, et les Ruthènes non-unis ; la communauté lipovane a son centre en Bucowine, Le protestantisme est très divisé : l’église évangélique est surtout allemande, avec un certain élément slovaque et hongrois ; les Saxons de Transylvanie y représentent un groupe autonome ; l’église réformée est hongroise ; enfin une communauté unitaire se maintient chez les Sicules. Dans le judaïsme, la plupart appartiennent au rite occidental, une faible minorité au rite oriental ; quelques Karaïtes, venus de Crimée, sont dispersés en Roumanie et jusqu’en Galicie. Enfin l’islamisme garde sur les bords du Danube les derniers vestiges de son ancienne domination.