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Bavière dût être considérée comme ennemie. Mais d’accord avec Moltke sur l’importance d’une diversion de l’Italie, il proposa d’envoyer le général à Florence pour négocier une alliance. Deux membres seuls du Conseil ne partagèrent pas l’entraînement belliqueux : le Prince héritier et le ministre des Finances Bodelschwingh. De l’avis du Prince, la guerre contre l’Autriche serait une guerre entre frères, dont l’étranger ne tarderait pas à se mêler. Le ministre déclarait les finances hors d’état de supporter une grande lutte militaire.

Bataille était le mot qui sortait de cette délibération, et Bismarck l’attendait du Roi, qui, cependant, ne le prononça pas. Il dit : « La possession des Duchés est digne d’une guerre ; toutefois l’explosion de cette guerre ne doit pas être hâtée, car s’il était possible d’atteindre pacifiquement le but poursuivi, un tel résultat serait toujours préférable. La décision dépendra de la conduite ultérieure de l’Autriche. Pour le moment, la Prusse se bornera à des pourparlers diplomatiques susceptibles de lui assurer des chances favorables. Il désirait la paix, mais, s’il le fallait, après avoir prié Dieu de lui montrer le droit chemin, il considérerait la guerre comme juste. » Ce n’était pas ce que désirait Bismarck ; pourtant c’était quelque chose, et il marcha de lavant comme s’il avait obtenu tout. Il renvoya Goltz à Paris avec des instructions nouvelles et une lettre autographe du Roi. Et il se mit à enguirlander l’Italie.

Jusque-là, les relations de la cour de Berlin et de la Maison de Savoie avaient été plus que froides. En 1865, le Prince héritier, étant venu en Italie avec sa jeune épouse, ne s’était pas arrêté à Turin ; le prince Humbert avait vainement essayé de le retenir à Milan, et le prince prussien avait mis quelque affectation à se laisser fêter à Vérone et à assister aux revues de Benedek. Quand Bismarck, au lendemain de Gastein, avait parlé d’établir de meilleures relations en envoyant l’Aigle-Noir à Victor-Emmanuel, Guillaume s’y était refusé. Il trouvait peu convenable, alors que l’Autriche venait de manifester son intention d’entretenir de bonnes relations avec la cour de Berlin, de prendre, sans cause apparente, l’initiative d’une démarche qui devait nécessairement être considérée à Vienne comme désobligeante. A la suite des premières difficultés dans le Holstein, le Roi ne fit plus d’objection, surtout lorsque François-Joseph eut envoyé le grand cordon de Saint-Etienne au fils de Napoléon III.