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On a prétendu que Bismarck avait machiné cette révolution parce qu’en effet il a su en profiter. Je n’ai trouvé aucune preuve de cette assertion. Il me semble établi, au contraire, qu’il s’en inquiéta d’abord, craignant que cette révolution de Bucharest ne fût le succès d’une manœuvre russe ou autrichienne. Eclairé sur son caractère réel, il ne songea plus qu’à en tirer parti. Sur le maintien de l’union et sa consécration définitive, il consentit à adhérer au point de vue français, toutefois en mesurant son insistance à l’intérêt relativement secondaire de la Prusse en cette question. En ce qui concerne le désir des populations de choisir leur prince dans les familles régnantes étrangères, il ne cacha pas son embarras. Le gouvernement du Sultan semblait résolu à décliner cette solution, et telle paraissait être également l’intention du cabinet de Pétersbourg. « Dans cet état de choses, nous serions disposés, dit-il, à nous abstenir et à laisser aux autres cours plus intéressées le soin de se mettre d’accord. Si cependant votre gouvernement juge indispensable d’insister pour qu’il soit satisfait aux vœux des populations, nous nous unirons à lui. » Et, en effet, il prescrivit à Goltz de s’exprimer dans le sens de Drouyn de Lhuys, avec intention d’y persévérer, mais en ayant soin de ménager les susceptibilités de la Russie. En un mot, il, consentait à nous plaire, mais seulement dans la mesure où cela ne déplairait pas à un allié encore plus cher et plus précieux.

Aucune des prétentions diamétralement opposées de la France et de la Russie n’étant en mesure de prévaloir, il fallut se décider à une transaction. On adopta celle de l’Autriche : on soumettrait la question de l’union à une assemblée des deux Principautés, réunie à Bucharest, avec faculté pour les députés de voter séparément. Si l’union l’emportait, l’assemblée élirait un hospodar indigène


VI

Toutes ces discussions de la conférence étaient purement académiques, car la solution se préparait à côté et en dehors d’elles. Le comte, de Flandre avait renoncé à son élection le jour même qu’il la connut, par conséquent très spontanément, et non sous l’influence de Napoléon III. Une première solution fut imaginée par Nigra. Avec l’autorisation de La Marmora, il