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montât à cheval, tantôt pour aller visiter les postes avancés, tantôt pour surveiller un fourrage, il se faisait adorer des soldats (du moins à en croire le Mercure), par le soin qu’il prenait de leur bien-être, et, en même temps, il s’appliquait à rétablir dans l’armée les règles de la discipline, qui, durant la dernière campagne, s’étaient fortement relâchées. Il combattait également les habitudes de mollesse qui s’étaient introduites dans le corps des officiers. C’est ainsi qu’il faisait éloigner du camp les berlines et chaises de poste que, pour leur commodité, ils avaient fait venir, et leur donnait lui-même l’exemple de ne se servir jamais que de chevaux. Sa table n’était que de seize couverts, ce qui était peu pour un prince et un général en chef, étant donné les habitudes du temps, plus une de dix pour son bureau[1]. Inutile de dire que la vie des camps n’amenait aucun relâchement dans ses habitudes religieuses. Il faisait fréquemment et en public ses dévotions, « édifiant l’armée par sa piété. » Le 7 juin, qui était le jour de la Fête-Dieu, il ordonna une procession sur la place de Braine-l’Alleud et la suivit à pied. Ce jour-là, il ne monta à cheval que dans l’après-midi. « Le matin de ce même jour, ajoute le Mercure, assurément sans aucune idée d’ironie, Milord Marlborough, accompagné de plusieurs officiers généraux et escorté de cinq cents chevaux de piquet, alla reconnoître les passages et le terrain le long de la Dyle[2]. »

Dans les premiers jours de juillet, une entreprise heureuse vint cependant mettre fin à cette longue période d’inaction, et détermina un mouvement en avant de l’armée française. Le Duc de Bourgogne, comme nous l’avons dit, avait auprès de lui Bergeyck, l’ancien gouverneur des Pays-Bas, homme habile et insinuant, mais plus diplomate que militaire, et à qui on devait reprocher plus tard d’avoir exercé une influence fâcheuse sur le Duc de Bourgogne. Il est certain, en tout cas, qu’il avait su gagner sa confiance. « « J’oubliois de vous dire, ajoutait le Duc de Bourgogne dans le post-scriptum d’une lettre à Philippe V, que M. le comte de Bergeyck, qui gouverne icy vos finances, est un homme qu’on ne peut payer, et qu’il m’est sur (et le Roy aussi) au-dessus de tout ce qu’on peut désirer[3]. » Bergeyck était en effet de bon conseil, et il allait en donner la prouve. Au mois d’avril précédent, il

  1. Gazette d’Amsterdam de 1708, n° XXVIII.
  2. Mercure de France, juin 1708, p. 330.
  3. Archives d’Alcala. Lettre du 29 mai 1708, communiquée par le P. Baudrillart.