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Jusqu’à l’heure où ce feu vacillant et débile
Ne soit plus au regard du passant incertain
Que le dernier rayon de la lampe d’argile
Que ménage le pas et que couvre la main.


Qu’il éblouisse l’ombre ou couve sous la cendre,
Au geste de l’Amour comme aux doigts de Psyché,
Qu’il monte la montagne ou qu’il la redescende,
Qu’il soit lampe, foyer, flambeau, torche ou bûcher,

Sa flamme inextinguible, éternelle et divine,
Ira jusques au fond des siècles à venir,
Que le souffle la courbe ou que le vent l’incline,
Car elle est immortelle et ne peut pas finir ;

Puisque l’âme de l’homme en elle se consume
Et qu’elle est née en lui de ce jour enchanté
Où sereine et debout devant son amertume
Apparut à ses yeux ton image, ô Beauté !

Ton doigt blanc s’est posé sur son cœur qui palpite
Et qui bat à jamais et qui brûle en son sein,
Et depuis lors un Dieu mystérieux l’habite,
Et l’éclair a jailli qui ne s’est pas éteint.


Et maintenant bûcher, gronde, rougeoie, éclate.
Change la feuille en flamme et la branche en tison
Et dresse les cent nœuds de ton hydre écarlate
Dont les langues d’or clair dévorent l’horizon !

Celui qui rassembla ta masse formidable
A détourné le fleuve à travers la forêt
Et comme au seuil des temps son frère de la Fable.
Une course éternelle a tendu son jarret.