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siècles, c’est le premier qui présentait les meilleures conditions nautiques.


Le Crotoy est situé à l’extrémité Sud du Marquenterre, à près de 8 kilomètres de la mer, très bien placé pour recevoir les bateaux qui viennent directement du large, poussés par les vents d’Ouest.

C’était, dans les premiers temps historiques, un simple îlot, que les dépôts successifs de la Maye, de la Somme, de la rivière de Favières et les sables mouvans des dunes de Saint-Quentin ont peu à peu agrandi, exhaussé et fini par souder à la terre ferme ; et la soudure a lieu à peu près à Rue, qui est aujourd’hui à près de 10 kilomètres du rivage et fut jadis un petit port de mer assez fréquenté.

Un peu partout aux abords du Crotoy et au Crotoy même, on a trouvé des débris très anciens qui permettent d’affirmer qu’un établissement d’une certaine importance existait à peu près sur le même emplacement à l’époque de la conquête ; et il est assez probable que le mouillage du Crotoy était fréquenté par les galères romaines. Mais les souvenirs historiques un peu précis ne datent que du XIe siècle, et les premières fortifications de la ville du XIIe. Le port était alors aussi important que celui d’Abbeville, et recevait des navires de presque tous les pays connus. La citadelle qui le défendait fut occupée pendant plus de deux siècles par les Anglais ; et l’une des tours conservées du vieux château, sur laquelle on allume tous les soirs un modeste feu de marée, a été l’avant-dernière étape de la voie douloureuse que suivit Jeanne d’Arc jusqu’au bûcher de Rouen.

Les variations du chenal de la Somme, tantôt s’éloignant, tantôt se rapprochant du Crotoy, ont fait passer le port par des alternatives de prospérité et de décadence. Toutefois le courant de jusant a eu pendant longtemps une prédisposition marquée à se diriger d’abord sur la rive droite, pour doubler ensuite la pointe du Hourdel et se retourner de là brusquement en suivant le littoral de Cayeux. Le flot et les vents du large poussent aussi les navires sur la rive droite. Cette double tendance n’avait pas échappé aux commissaires de la marine, qui firent, au XVIIe siècle, la reconnaissance générale de cette partie de nos côtes et qui pensèrent un moment qu’on pourrait y aménager sans trop de difficultés et de dépenses un grand établissement maritime, une