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sorte d’arsenal, ce qu’on appelait alors un « port de roi. » On exagérait peut-être un peu. Il est vrai cependant que, jusqu’à l’époque où les eaux de la source furent rejetées directement sur la rive gaucho par la construction du canal maritime d’Abbeville à Saint-Valéry, le Crotoy était accessible assez facilement aux navires de 500 tonneaux et qu’il en recevait près de 600 par an. La situation changea brusquement à cette époque sans qu’on ait pu le prévoir. Le chenal qui coulait devant le Crotoy s’ensabla très rapidement ; et le port aurait été perdu complètement et à très bref délai, si le Comte d’Artois, désireux de faire remonter quelques navires pour y charger les bois de la forêt de Crécy dont il était apanagiste, n’eût fait exécuter un canal de navigation alimenté par les eaux de la Maye et débouchant dans le port. Ce canal de la Maye n’était du reste qu’un diminutif du projet beaucoup plus grandiose, imaginé près de deux siècles auparavant par Vauban, et qui consistait à dériver l’Authie presque en entier pour l’amener, à travers le Marquenterre, dans le chenal et sous les murs du Crotoy. C’eût été d’ailleurs une sorte de rétablissement de l’ancien état des lieux, comme on peut très bien le voir sur d’anciennes cartes, qui figurent une série de lones, de bas-fonds et de flaques d’eau alignés bout à bout, se dirigeant à travers le Marquenterre du côté de Rue, et portant le nom de « lit abandonné de l’Authie. »

Malheureusement ni l’un ni l’autre ne furent complètement exécutés. Le Crotoy a continué à s’envaser, et il serait même tout à fait perdu aujourd’hui, si l’on n’avait établi, immédiatement en amont du pont et en saillie dans-la baie, un grand bassin de chasse de près de 6« ri hectares, qui assure une profondeur suffisante pour permettre à quelques petits caboteurs et à tous les bateaux de pêche de venir chercher un abri quand le vent ne les pousse pas du côté du Hourdel. Le Crotoy n’a du reste aucun mouvement commercial. C’est uniquement un port de pêche ; et il est probable qu’il ne retrouvera jamais l’activité des siècles passés.


En face, sur la rive gauche de l’estuaire, Saint-Valéry lui-même n’est plus aujourd’hui, malgré les travaux qu’on y a exécutés et bien qu’il soit la tête de ligne de la navigation du canal de la Somme, qu’un port très secondaire.

Ni le port, ni la ville ne paraissent avoir une origine aussi