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pas un non plus que le réveil de cette même femme, au dernier tableau de Siegfried. Il nous reste encore à savoir trop de choses. Le Crépuscule des Dieux va nous les apprendre.

Après la scène prophétique et fastidieuse des Nornes, qui sont les Parques Scandinaves, nous voyons Siegfried quitter Brunnhilde et descendre parmi les hommes, à la recherche d’aventures héroïques. En suivant le Rhin, il arrive devant le palais des Gibichungen, habité par Gunther et Hagen, qui sont fils du « Nibelung » Albérich, le premier ravisseur de l’anneau, et par Gutrune, leur sœur. Hagen, que tourmente depuis longtemps le désir de l’or, fait verser par Gutrune à Siegfried un philtre d’oubli. Perdant aussitôt le souvenir de Brunnhilde, le héros ne voit plus, n’aime plus que Gutrune. Afin de la mériter, il accepte d’aller chercher Brunnhilde pour Gunther, et sous l’apparence. — empruntée par magie, — de Gunther lui-même. La malheureuse résiste et se débat en vain ; inconscient de sa propre trahison, Siegfried lui fait violence, lui ravit l’anneau, et, revenant avec elle, il la livre aux mains de Gunther.

L’hymen de Siegfried et de Gutrune va s’accomplir, quand Brunnhilde, apercevant le héros et l’anneau qui brille à son doigt, s’étonne, s’épouvante et s’indigne. Elle dénonce, sans pouvoir le dénouer, l’imbroglio tragique et, folle de désespoir, jure avec Hagen et Gunther la mort de son infidèle époux.

Voilà les péripéties. Et voici le dénouement. Siegfried, un jour, à la chasse, a perdu ses compagnons. Errant le long du fleuve, il voit, il entend les filles du Rhin lui redemander l’anneau fatal. Insouciant du péril, il refuse de le leur rendre. Bientôt Hagen, Gunther et les autres le rejoignent et, pour charmer quelques instans de halte, ils le prient de leur conter sa vie. Hagen lui verse un nouveau breuvage, qui lui rend le souvenir. Siegfried, alors, chante la vierge endormie sur la cime ardente, éveillée par son baiser et devenue sa femme, quand tout à coup Hagen lui plonge son épieu entre les deux épaules. Il meurt, en murmurant une dernière fois le nom de Brunnhilde. Sur son corps Gutrune tombe à son tour, puis Gunther, frappé par Hagen, auquel il disputait l’anneau. Enfin, parmi les flammes qui dévorent la dépouille du héros pardonné, Brunnhilde elle-même s’élance et rejette dans les flots du Rhin l’anneau dont la possession a causé la ruine du monde. Les personnages humains de la tragédie jonchent la terre de leurs cadavres, et, dans le ciel même, le Walhalla s’embrase, éclairant le crépuscule des Dieux.

Nous n’avons fait, bien entendu, que rappeler en quelques lignes