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période est celle des « écoles française et anglaise. » Elle va de 1675 à 1760, et prépare déjà la période « classique, » celle de Gœthe et de Schiller, qui s’arrête elle-même vers 1800.

Jusque-là, durant plus de dix siècles, la littérature allemande n’a pas cessé d’être en progrès. De génération en génération elle a en quelque sorte travaillé à se constituer, pour parvenir enfin, dans la période classique, au plus haut degré de perfection dont elle était capable. Désormais, à travers tout le XIXe siècle, elle va commencer à déchoir. « Avec Goethe elle a atteint son sommet ; puis, lentement, elle descend. « Mais sa descente n’a point, par bonheur, la régularité de sa montée : elle est faite plutôt d’une série d’alternatives, d’actions et de réactions, où se produisent en grand nombre des œuvres d’une originalité imprévue et vigoureuse ; et leur action réussit à retarder, sinon à arrêter tout à fait, l’inévitable chute du courant littéraire. Après la période « classique, » vient d’abord la période « romantique. » Elle s’étend de 1800 jusque vers 1830 ; et, inférieure déjà en qualité à la période précédente, elle est au contraire plus riche en quantité, avec un nombre plus grand d’hommes et d’ouvrages. Ses principaux représentans sont Hœlderlin, les frères Schlegel, Louis Tieck, Novalis, Kleist, Hoffmann, Clément Brentano, Eichendorff, Uhland, et Chamisso. Après elle se produit une période que M. Bartels nomme, très justement, « le post-classicisme » et « le post-romantisme. » C’est la période des Grillparzer, des Ruckert, et la période, aussi, de la Jeune Allemagne, dont les tendances s’inspirent plus directement du romantisme, tandis que celles de Grillparzer, de Ruckert, et de Platen, se rattachent plutôt à l’école classique.

Enfin les deux dernières périodes, qui vont de 1850 à 1900, correspondent assez exactement à celles que nous avons vues se succéder, durant le même intervalle, dans la littérature française. L’une est essentiellement « réaliste ; » c’est à elle qu’appartiennent, en Allemagne, les drames de Hebbel et d’Otto Ludwig, les poèmes de Théodore Storm et de Klaus Groth, les romans de Freytag, de Reuter, des Suisses Jeremias Gotthelf et Gottfried Keller. Quant à la période contemporaine, qui succède à celle-là, M. Bartels y trouve encore à louer maintes œuvres originales, surtout les romans de Scheffel, de Conrad Ferdinand Meyer, de Mme d’Ebner d’Eschenbach et de Théodore Fontane ; mais il donne à l’ensemble de cette période le titre de « décadence ; » et le fait est que, à en juger par l’image qu’il nous offre de la littérature allemande contemporaine, l’individualisme allemand aura besoin d’un effort prodigieux pour sauver de l’anéantissement définitif une